Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous les feuilles ou sous terre, cela m’était devenu indifférent. S’il me restait un désir, c’était de reconstruire tout à fait les choses avant de les quitter, mais je n’y tenais même pas, sachant que je contenais déjà virtuellement leur explication absolue. Cependant j’avais dit aux Esprits que j’attendrais, je ne voulus pas accepter la mort. Je me recueillis immédiatement dans la Science du Feu, et je calculai mes forces d’enchantements.

« Ayant autour de moi, dans l’éther, les vertus de la chasteté, ayant les six jours de jeûne derrière mes paroles, ayant enduré la soif pendant ces six jours et m’étant baignée la nuit précédente, ma main traça dans l’air, à tout hasard, les signes convenus, depuis les temps, entre les vivants et les morts. Le cheval s’arrêta, décrivit un cercle et s’abattit au milieu d’une clairière immense et lumineuse. Je me croisai les bras, debout et les yeux fixés sur la nuit ; je prononçai, en chantant, les grandes paroles de l’Incantation, certaine que j’allais être tirée de péril par quelque chose d’inattendu.

« En effet, au-devant de moi, dans le lointain,