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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/233

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intuitif lui révélaient la fiévreuse et naïve comédie où s’efforçait le comte, et, ne s’en affligeant pas, elle lui pardonna par sympathie cette innocence de compliments et leur transparente politesse. Le jeune homme paraissait, en style du monde, lui « faire la cour ; » mais sa voix, à son insu, exprimait la profonde émotion qu’il éprouvait.

— Êtes-vous musicien, monsieur le comte ?… dit-elle.

— Souvent, répondit Wilhelm avec un sentiment de mélancolie, souvent, après une journée de chasse et de fatigue, lorsque je m’en revenais tard et que j’étais seul dans les montagnes, je chantais pour abréger le chemin.

Le jeune homme ne s’aperçut pas de la bizarrerie de sa réponse.

— Eh bien, dit Tullia Fabriana, lorsque vous êtes entré, je regardais cette harpe… (Il se retourna et aperçut tout près de lui une grande harpe noire qu’il s’étonna de ne pas avoir remarquée en s’asseyant.) — C’est un instrument admirable ; mais je suis un peu fatiguée ; chantez une petite chose allemande, voulez-vous ?