Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ques. — On eût dit que deux statues du jardin profitaient des ténèbres pour revivre. — Leurs lèvres se touchaient parfois sans bruit, dans l’ombre, et sans parler ils s’entendaient.

Et en effeuillant des roses blanches sur les épaules de la grande enchanteresse, il lui disait :

« — Ton amour est un ciel dont je ne doute pas : un baiser de toi, c’est l’infini !… »

Et elle ne répondait pas ; mais elle lui faisait lentement signe de regarder ce qui se passait.

Et leurs corps s’atténuaient jusqu’au fantôme ; une sourde oscillation agitait les profondeurs métalliques de la nature ; le relief de toutes choses s’effaçait graduellement, comme lorsqu’on meurt ; la Vision devint ombre et fluide, et tout disparut dans l’empire du Nirvanah.

Le comte Wilhelm passa la main sur son front et se retourna vers la croisée.

L’obscurité de la nuit s’était approfondie au dehors ; pas un bruissement de feuilles dans les jardins, pas un souffle d’air ne venait dans l’appartement par la croisée toute grande ouverte.

Il essaya, sans se rendre compte de son mouve-