Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/27

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— Ne voulez-vous pas m’effrayer, monseigneur ? dit Wilhelm assez interdit de cette conclusion. En admettant que je risque la vie, je suis seul au monde.

Il y eut un moment de silence.

— Et puis, on ne meurt qu’une fois ! ajouta le jeune homme avec insouciance.

— Vous croyez ? dit le prince. À votre âge les mots n’ont qu’un sens vague, et plus tard, lorsqu’on en voit la profondeur, le cœur se serre de stupeur et de dégoût. Vous ignorez les froides et cruelles bassesses, les trahisons envenimées et leurs milliers de complications aboutissant à l’ennui quotidien ; les amitiés envieuses, haineuses et souriantes ; les trames perfides où l’on perd l’amour et la foi, souvent l’honneur et la dignité, sans qu’on sache pourquoi ni comment cela se fait. Ah ! vous êtes heureux ! Laissez aux passions le temps de venir, et vous comprendrez. Vous croyez, vous dont le cœur s’épanouit de bienveillance et de bonté, vous pensez qu’on va s’intéresser à vous ? Dans le monde, on ne s’intéresse qu’à ceux que l’on redoute, et vous trouverez, sous les dehors les