Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/26

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plus, le protégé de la duchesse d’Esperia. Vous m’êtes recommandé par le souvenir de votre bonne et sainte mère ; enfin, vous n’avez qu’à vous montrer pour résumer, à un âge où le commun des hommes n’est pas visible, ce que cinquante ans de luttes et de labeurs accablants ne peuvent donner. Vous avez la jeunesse ! Vous pouvez tout demander, tout obtenir, peut-être. Vous vous y prenez d’assez bonne heure pour monter vite au sommet d’une ambition justifiée. Eh bien, moi qui suis prince, et qui ne parais pas avoir trop à me plaindre de ce monde où vous entrez, je vous eusse dit, si, d’après une vingtaine de paroles, je n’avais pas trouvé dans votre nature quelque chose de solide et d’inné, je vous eusse dit : Retournez dans votre manoir, épousez quelque jeune fille vertueuse et simple, bénissez le Dieu qui vous a fait ce loisir ; aimez, rêvez, chantez, chassez, dormez, faites un peu de bien autour de vous, et surtout n’oubliez pas de secouer la poussière de vos bottes sur la frontière, de crainte d’en empoisonner vos forêts, vos montagnes et votre vie. Comprenez-vous ?