Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/50

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terre. Il y a là-dedans plus d’un milliard d’hommes, tous très-entendus dans leur métier, dans leur détail ; par qui est-ce manié, remué, gouverné ? Par une centaine de personnages d’une intelligence presque toujours bien ordinaire. La plupart d’entre eux se divertissent très-royalement, je vous assure : ce sont leurs seuls milieux de grandeur qui les élèvent ; ils le savent, du reste, et en font bon marché intérieurement. Tenez : l’un d’eux (c’est de l’histoire moderne), après avoir eu plus de cent quatre-vingts millions d’hommes, — entendez-vous ce chiffre ? — en partage, à dix-neuf ans ; après avoir été le suzerain d’une douzaine de rois, après avoir gagné victoires sur victoires ; après avoir été plus grand que César, et avoir possédé pourpre, hermines, sceptres et triples couronnes impériales, s’en alla tourner la soupe de trois ou quatre moines en qualité de frère convers, et laver leurs divers ustensiles de ménage, par humilité. Voyez-vous ce guerrier, ce grand politique, ce fin législateur, ce maître de l’Europe, enfin, le voyez-vous retenant son froc de bure et accomplissant gravement son travail ? Pensez-vous qu’il ne lui