Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/53

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personne sortie à dix-huit ans du dortoir, et qui compte huit ou dix ans de services : gardez vos rêves !… Ils valent mieux que la réalité. Seulement, comme je ne tiens pas, en définitive, à vous laisser surprendre, je veux vous mettre en présence d’une femme pour tout de bon, d’une femme que j’estime et que j’admire. Oui, je vous avoue que si je ne vivais pas avec le souvenir d’une autre, souvenir qui remplit mon âme — et qui me suffit, — la marquise Tullia me paraîtrait la seule femme possible pour un homme supérieur. Plus je pense, plus je trouve qu’il y a en elle quelque chose de très-élevé ; et si vous la touchez, si elle vous admet dans son intimité, elle vous fera vivre, dans la haute acception du mot. Je l’ai toujours vue ce qu’elle est : je la connais depuis une dizaine d’années, ayant été très-lié avec son père, le duc Bélial Fabriano (lequel est mort empoisonné chez l’un de ses amis, à cause de haines datant de loin dans la famille). À cette époque, elle était, à peu de chose près, ce qu’elle est maintenant. Au premier abord, c’est une femme du monde, parfaitement élégante. En y regardant de près, en faisant bien