Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/59

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« Tullia Fabriana était du nombre de ces grands esprits, types supérieurs, constitués par la précoce expérience des événements, de la méditation et du monde.

« Ceux-là, de bonne heure, avant d’être aperçus, avant d’être entraînés dans le courant, se rendent compte de l’existence et, par conséquent, ont le temps de replier en eux-mêmes leurs grandes ailes pour n’en point porter ombrage aux autres. À force de reconstruire et de sonder les faits, elle s’était dégoûtée de l’action.

« Certes, le renom des femmes glorieuses avait dû rembrunir son beau front plus d’une fois ; mais, à la réflexion, satisfaite de l’état peu dépendant où sa naissance l’avait placée, elle avait pris le parti de vivre dans une concentration égoïste. L’isolement lui suffisait. Elle était parvenue, peu à peu, sans apparente résolution, à voiler sa vie véritable le plus hermétiquement possible.

« L’isolement !… Faveur spéciale du destin ! Privilége dont la prescription est désormais sans appel ! — À qui est-il donné de pouvoir s’isoler aujourd’hui ?