142 ACTE QUATHIÈME Washington, feuilletant des papiers Milady, vous avez quitté les vôtres au moment de la guerre, seulement. — Pourquoi ? RUTH Le jour où j’ai signé, en Angleterre, l’acte de ma sépa- ration, monsieur, la guerre s’annonçait : je suis venue partager les périls de celui qui fut mon fiancé, autrefois. Washington Comptez-vous justifier toujours les actes dont vous êtes accusée devant nous, par le simple aveu d’un attachement que nul abandon, nulle fidélité, nulle sincérité, même, ne paraissent avoir jamais témoignés ? RUTH Qu’il explique ma présence ici ! — Mes actes se justifie- ront seuls. Washington Dans cette soirée où des signaux furent allumés, par une femme, devant l’ennemi, ce fut en vain que le comman- dant Ashwell vous chercha dans notre camp. Aucun des soldats échappés au feu de l’embuscade anglaise ne déclara, sur mon enquête, vous avoir aperçue après l’heure du ralliement. — Vous vous êtes donc attardée, en dehors de nos lignes, errante sur le champ de bataille. — Pourquoi ? RUTH Il est des appels de détresse qui font oublier ceux des tambours, interrogez les blessés de la journée. Ils répon- dront pour moi. Washington C’était après le passage de la Delaware, il y a dix jours. Le crépuscule était clair et pâle. Vous étiez en vue de nos adversaires, sur l’autre rive, et à portée de leurs armes.
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Apparence