LE NOUVEÂU-MONDK 143 Aucune trêve n’étant conclue, il est, en vérité, surprenant, que vous ayez, si impunément, secouru nos blessés, milady ! (Ruth se détourne vers les deux généraux : elle écarte un peu son manteau, silencieusement. Entre son col et son épaule, une compresse, tachée de sang, apparaît. — Puis elle ramène son manteau, sans prononcer une parole.) Washington, après un instant Alors, — pourquoi taisiez-vous à mon lieutenant Ste- phen Ashwell le nom que vous portez ? Quoi ! vous, en ce moment si intrépide, madame, vous, mariée au comman- dant en chef des troupes d’occupation, vous laissez croire, sans clémence, à un noble et ardent cœur qui vous aime... et que vous-même, peut-être ! vous aimez... Ruth, se troublant un peu et cherchant ses paroles Oh ! monsieur, pourquoi n’eussé-je pas attendu, pour lui révéler cette alliance, que la loi l’eut officiellement rompue ! Ne devais-je pas lui épargner, le plus longtemps possible... l’aveu... cruel... de cette circonstance... grave... de ma vie ? — Ayant subi sans cesse... avec le respect l’un de l’autre et avec douleur... le sentiment qui s’est réveillé entre nos cœurs, ici... un tel ménagement me semblait juste... et sacré... (Stephen tressaille et la regarde.) Washington Là se borne votre défense ? (Ruth fait un signe de tête affirmatif.) Votre avis, Franklin ? MISTRESS Andrews, à part, regardant Stephen Et il se tait ! Franklin, à demi-voix George, j’ai eu l’honneur, en effet, de voir, en Angle- terre, lord Cecil. Il fut le premier à s’opposer à mon incarcération, malgré le déchaînement de tout Westminster. Il se prononçait pour nos droits, presque seul contre le Parlement. Il me paraît donc invraisemblable qu’un tel homme ait accepté, pour sa femme, une... telle mission parmi nous.
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