Page:Villiers de L’Isle-Adam - Le Nouveau-Monde, 1880.djvu/28

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10 ACTE PREMIER Mary, l’embrassant Ruth, chère aimée, nous sommes deux captives, nous, deux catholiques, deux exilées. (Lady Cecil la regarde avec tendresse.) J’imaginais qu’une certaine liberté d’esprit ne nous était pas défendue seules à seules. Lady Cecil, lui baisant le front Un jour , mon enfant chérie , tu comprendras que le devoir d’une femme vertueuse ne se satisfait pas de ces distinctions subtiles. L’épouse doit être sévère, sachez-le, contre toutes ses pensées et dans toutes ses causeries. — Mais que dis-je là, mon pauvre ange ! Tu n’as pas de fiancé, toi ! Mary, avec une moue rieuse Peut-être ! ... Il est vrai que mon amoureux va partir pour le Nouveau-Monde, et... loin des yeux, loin du cœur, dit un méchant proverbe. Lady Cecil, étonnée Ah ça, quel amoureux ? Nous ne voyons personne. Tu me fais trembler ! Quelle imprudence nouvelle as-tu commise ? Mary A mon tour ! C’est justement la confidence que je voulais te faire. Voici donc. I1 y a un mois, un matin, avant ton réveil, je vins ici. Le soleil brillait sur l’herbe, au bord de la mer. J’allais descendre par le balcon lorsque j’aperçus à vingt pas, sur le rivage , quelques officiers de ce navire français en partance, qui, ayant trouvé, sans doute, notre pelouse agréable, y déjeunaient, insoucieusement, auprès de leur chaloupe, amarrée au rocher. Je priai Dick de leur apporter du sherry, de l’ale et du wiskey, ce qu’ils accueil- lirent au mieux, — et l’un de ces étrangers, un jeune homme, me fit prévenir qu’il sollicitait la faveur de remercier lui- même ses hôtes. Dick me remit ces tablettes... Vois : Le Chevalier Henri de Vaudreuil.