Page:Villiers de L’Isle-Adam - Le Nouveau-Monde, 1880.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE NOUVEAU-MONDE 17 Lord CECIL, se levant et parlant d’un ton grave Je vous l’ai dit, Madame, l’Angleterre est menacée d’un désastre dont la conjuration nécessite une main de fer. Lord Mansfield prétend que je suis cette main, — en politique, du moins. J’ai donc accepté le poste de gouverneur militaire dans les colonies insurgées. Lady CECIL, tressaillant Vous quittez l’Angleterre ? Lord CECIL, froidement En me rendant ici, je me suis arrêté à Rossmore. J’ai fait don à la communauté de la fortune princière que vous m’a- vez apportée en dot, Madame, et, selon votre désir formel, j’ai prévenu la révérende abbesse que Ruth Moore, épouse divorcée de Lord Cecil, prendrait demain le voile en son monastère de Rossmore. Un silence. Lady Cecil, baissant la tête Monseigneur, que celle qui prendra ma place à ce foyer soit digne de votre cœur et bénie de ses enfants ! Lord Cecil, impassible Quant au divorce, certaines formalités ont été simplifiées à la Chambre des Lords, grâce à l’intervention de Geor- ge III. Sir Cornélius Halgrave, sollicitor attaché au Ban du Roi et greffier du Parlement, m’a suivi dans ce voyage. Les pièces à signer sont toutes prêtes et seront ratifiées par le Lord-Chancelier, à Westminster, sous quelques jours... En la regardant fixement. Vous n’hésitez pas ? Lady Cecil, immobile Milord, je vous honore et vous admire. Vous êtes un noble esprit et une âme loyale. Mais Dieu m’a refusé la joie d’avoir de l’amour pour vous. Or, je suis de celles qui con- sidèrent comme criminel de se donner quand elles n’aiment pas — et l’héritier des Cecil doit des fils à ses ancêtres.