Page:Villiers de L’Isle-Adam - Le Nouveau-Monde, 1880.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE PREMIER Mistress Andrews Inutile de menacer, milord. — N’avez-vous pas vu son trouble, tout à l’heure, au seul nom de la Virginie ? Lord Cecil, presque à part, tressaillant En effet ! Mistress Andrews, amèremcat Il était son fiancé, en Irlande. Un chasseur pauvre et fier. Mistress Moore lui refusa sa fille. Il résolut de tenter la for- tune ou de périr. Le Nouveau-Monde s’offrait, il partit... Ah ! si vous l’aviez entendu, là-bas, me raconter ses espoirs de retour, vous ne douteriez plus qu’ils s’aiment de toute leur âme !... Lord Cecil, perplexe Cette histoire d’autrefois, ne fût-elle pas un mensonge, lady Cecil, certainement, a dû l’oublier — et n’oserait pas, ayant porté mon nom... Mistress Andrews Si jamais homme a mérité l’invincible amour... oh ! poussé jusqu’à la folie, — c’est celui-là !... Tenez, monsei- gneur, pour vivre auprès de lui, à peine son amie, hélas ! perdue dans un village du Nouveau-Monde, j’ai quitté, sa- crifié, oublié le reste de la terre, sans regrets et pour tou- jours... C’est lui ma famille, c’est lui la terre et la patrie !... Plus de ciel si j’avais l’extase de ses bras ! — Vous comprenez bien, n’est-ce pas, vous comprenez que, pour vous comme pour moi, il faut que Ruth Moore demeure votre femme. (Elle le regarde fixement.) Lord Cecil, glacial et presque menaçant Ah !... qui êtes-vous ?