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Page:Vinet - Études sur Blaise Pascal, 1848.djvu/26

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du plan attribué à pascal

est plus puissante que toute leur raison, les convainquant plus fortement de la grandeur de l’homme, que la raison ne les convainc de sa bassesse[1]. » (I, iv, 5).

2. L’homme a un besoin inextinguible de vérité. Mais dans son état actuel, que d’obstacles s’opposent à ce qu’il la possède ! L’organe principal de cette recherche est la raison ; mais cette puissance qui se devrait appartenir à elle-même est supplantée par l’opinion, distraite par les sens, altérée par la maladie, influencée par la volonté. Les principes d’où elle part sont eux-mêmes bien souvent sujets à contestation. L’idée de cause sur laquelle reposent tous les raisonnements, est peut-être gratuite, ne saurait du moins être rigoureusement prouvée ; les principes naturels paraissent bien douteux dès qu’on remarque que la coutume devient en bien des cas une seconde nature : pourquoi ne croirait-on pas que la nature est une seconde coutume ? La réalité même de nos impressions s’obscurcit par la vivacité des impressions que nous avons dans nos songes. Dans les songes, nous croyons à la réalité des images : la veille ne serait-elle pas un songe plus suivi ? et quelle preuve avons-nous que ce soit veille ? Plus la raison s’exerce sur ces questions, plus elle les obscurcit. La méditation mène de l’ignorance à l’ignorance ; de l’ignorance qui ne se connaît pas à l’ignorance qui se connaît ; c’est où

  1. Voyez aussi, sur la dégénaration de ce sentiment, I, v, 8.