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Page:Vinet - Études sur Blaise Pascal, 1848.djvu/25

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dans le livre des pensées.

réputation d’être vaillants. Grande marque du néant de notre propre être, de n’être pas satisfait de l’un sans l’autre, et de renoncer souvent à l’un pour l’autre ! » (I, v, 1.)

« La vanité est si ancrée dans le cœur de l’homme, qu’un goujat, un marmiton, un crocheteur se vante et veut avoir ses admirateurs : et les philosophes mêmes en veulent. Ceux qui écrivent contre la gloire veulent avoir la gloire d’avoir bien écrit ; et ceux qui le lisent veulent avoir la gloire de l’avoir lu : et moi qui écris ceci, j’ai peut-être cette envie ; et peut-être que ceux qui le liront l’auront aussi. » (I, v, 3.)

« Si d’un côté cette fausse gloire que les hommes cherchent est une grande marque de leur misère et de leur bassesse, c’en est une aussi de leur excellence ; car quelques possessions qu’il ait sur la terre, de quelque santé et commodité essentielle qu’il jouisse, il n’est pas satisfait, s’il n’est dans l’estime des hommes. Il estime si grande la raison de l’homme, que, quelque avantage qu’il ait dans le monde, il se croit malheureux, s’il n’est placé aussi avantageusement dans la raison de l’homme. C’est la plus belle place du monde : rien ne peut le détourner de ce désir, et c’est la qualité la plus ineffaçable du cœur de l’homme. Jusque-là que ceux qui méprisent le plus les hommes, et qui les égalent aux bêtes, veulent encore en être admirés et se contredisent à eux-mêmes par leur propre sentiment ; la nature, qui