Page:Vinet - Boutmy - Quelques idées sur la création d'une faculté libre d'enseignement supérieur.djvu/13

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éviter d’être sommaire, et « sommaire » n’est-ce pas l’équivalent de « superficiel » ?

Assurément j’aurais volontiers pris plus d’espace. Un roulement triennal, par exemple, aurait donné plus d’air à l’enseignement et en aurait agrandi l’ordonnance. Mais j’ai dû tenir compte des circonstances et de nos habitudes. En France, presque toutes les familles ont hâte d’engager leurs fils dans la vie active ; elles sont plus portées à abréger qu’à prolonger le temps des études générales. Je ne pouvais, au lendemain de tant d’infortunes, leur demander le sacrifice de plus d’une année. D’ailleurs, il n’est pas vrai que la courte durée de l’enseignement en ôte nécessairement la moelle et le fruit. Les détails de la science ne s’enseignent pas ; on les apprend par un travail personnel. Ce qui se transmet du haut des chaires, c’est le goût d’un certain genre de connaissances, le vocabulaire qui en donne l’accès, la méthode qui permet de s’y diriger, l’esquisse générale qui en résume les principaux résultats. De nombreuses esquisses générales, voilà le don le plus précieux de tout enseignement, et surtout de l’enseignement supérieur. Avec aussi peu de détails qu’on voudra, — ceux-ci servant seulement d’amorces et de points d’attache, — elles sont, par excellence, un lieu de dépôt tout préparé où s’arrangent et se classent elles-mêmes les notions du même genre que l’esprit rencontre sur sa route. L’homme qui est muni de ces cadres variés apprend toute sa vie, en causant, en lisant, sans y penser et sans effort.

Je n’ajoute qu’un mot, mon cher ami, et ce mot me ramène à une pensée que j’ai exprimée en commençant.