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France, aujourd’hui mornes et affaissés par suite du peu de goût pour ces études sérieuses, auxquelles rien ne supplée dans la grande culture de l’esprit, pas même l’originalité naturelle et la finesse, on s’explique beaucoup mieux d’où viennent nos désastres et la décadence morale du pays. La France aveuglée l’a trop méconnu. Pendant qu’elle se pavanait au milieu de ses richesses, pendant qu’elle s’amusait, d’autres nations moins bien douées et moins aimables, mais clairvoyantes et laborieuses, s’avançaient rapidement dans les voies de la science, et, par leur activité prodigieuse, des derniers rangs arrivaient bientôt au premier. Avouons-le, la grande initiatrice des nations s’est laissée dépasser. Grâce à son facile génie, elle peut encore reconquérir le prestige perdu ; mais qu’elle y prenne garde, les moments sont précieux et le réveil doit être prompt et éclatant. Que son mot d’ordre désormais ne soit plus : Gloire et victoire ! mais celui de l’empereur Sévère : Travaillons (laboremus). « Le monde, disait Rossi, est à ceux qui savent. » Nous venons de l’apprendre à nos dépens.

Ernest VINET.


P. S. Paris, 1er juillet 1871.


Mon cher ami,

Entre ma lettre et ce post-scriptum le souffle de la mort a passé sur notre pays. Une torche à la main, le Génie de la destruction est apparu dans sa capitale ensanglantée, qui ne serait plus aujourd’hui qu’un tas de cendres et de ruines sans un héroïque effort.