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charpente dressées derrière les courtines. Sur ce point affluaient alors des bois, des claies, des fascines, de la terre, et toujours, en se couvrant par un épaulement antérieur, on élevait un bastillon rectangulaire, terrassé entre les clayonnages jusqu’à la hauteur convenable pour battre les tours voisines et la courtine. Le bastillon élevé avec des pentes pour y monter, on le garnissait, en face de la courtine attaquée, d’un haut mantelet de bois de charpente et de claies, revêtu de grosses toiles, de feutre, de peaux fraîches, pour arrêter les carreaux des assiégés et amortir les pierres ou les feux lancés par leurs engins. Sur la plate-forme du bastillon, deux pierrières étaient dressées. Or, en prenant la dimension d’une pierrière, d’après la donnée de Villard de Honnecourt[1], on trouve, pour le patin de cet engin, 12 mètres de longueur et 7 à 8 mètres de largeur. Pour placer deux engins de cette taille, il fallait que la plate-forme (en la supposant carrée) eût 24 mètres de côté. Ces deux pierrières battaient les deux tours flanquantes sans relâche, détruisaient leurs hourdages, et des arbalétriers postés, soit sur cette plate-forme, soit sur les épaulements des tranchées, tiraient sur tous les défenseurs qui se présentaient pour réparer les dommages ou tirer à découvert. Une ou plusieurs pierrières étaient, en outre, chargées de détruire la batterie d’engins que les assiégés ne manquaient pas d’établir en arrière de la courtine. Cependant, sous le bastillon, avait été réservé un passage, un couloir dans lequel était amené un chat, comme celui présenté figure 6. Si l’assiégeant, avec ses engins, était parvenu à détruire les hourds des défenseurs, à cribler les crénelages, à brûler même les ouvrages de bois en les couvrant de projectiles incendiaires, alors, pendant la nuit, on faisait sortir le chat de son couloir ; il était roulé sur des terrassements et des fascines jusqu’au pied de la courtine, et les mineurs y étaient attachés. L’assiégé n’avait plus que la ressource, ou de contre-miner, ou de se remparer en arrière, soit de l’issue de la galerie de mine, soit de la brèche, si les mineurs faisaient tomber une partie de la muraille.

En supposant que nous ayons à suivre ces diverses opérations sur le terrain (fig. 7) : En A, est tracée la courtine attaquée, flanquée de ses deux tours espacées l’une de l’autre de 50 mètres. En B, est le fossé. Les assiégeants ont cheminé jusqu’en C par les tranchées D. Là ils ont commencé à dresser le bastillon E. Comme en pareil cas il faut se hâter, cet ouvrage est élevé par étages, en n’employant que des bois courts, faciles à manier[2]. En G, est figuré un angle du bastillon commencé. De gros pieux a de 3 à 4 mètres de longueur sont fichés en terre, reliés par des entretoises horizontales g et par des goussets h. Entre ces sortes de châssis sont attachés les panneaux de clayonnages H, également

  1. Voyez Engin, fig. 9 et 10.
  2. Cette méthode était adoptée déjà par les Romains.