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Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 1.djvu/334

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mettre à couvert une assemblée nombreuse. Aussi l’un des moyens que la puissance ecclésiastique employait pour gêner l’exercice du droit de commune, était de faire défense de se réunir dans les églises pour un autre motif que la prière, et de sonner les cloches à une autre heure que celles des offices[1]. » Les luttes incessantes des communes du domaine royal avec le pouvoir féodal, pendant le XIIe siècle, et leur prompte décadence dès que le pouvoir royal se constitua sur des bases durables, au commencement du XIIIe siècle, ne permirent pas aux villes telles que Noyon, le Mans, Laon, Sens, Reims, Cambrai, Amiens, Soissons, etc., d’élever de grands édifices municipaux autres que des murailles de défense et des beffrois. Le beffroi était le signe le plus manifeste de l’établissement de la commune, le signal qui annonçait aux bourgeois l’ouverture des assemblées populaires, ou les dangers auxquels la cité se trouvait exposée (voy. Beffroi). Mais les communes de Flandre, du Brabant ou du midi de la France, qui conservèrent leurs franchises jusqu’au XVIe siècle, eurent le loisir de construire de grands édifices municipaux dès la fin du XIIe siècle, et surtout pendant les XIIIe et XIVe siècles. Plusieurs de ces édifices existent encore en Belgique ; mais dans le midi de la France, ils ont tous été détruits pendant les guerres religieuses du XVIe siècle. Nous n’en connaissons qu’un seul encore debout dans une des petites villes du comté de Toulouse, Saint-Antonin, située à quelques lieues au nord-ouest de Montauban (voy. Hôtel-de-Ville). Il en est de même des halles, bourses ; nous ne possédons, en France, qu’un très-petit nombre de ces édifices, et encore ne se sont-ils conservés que dans des villes de peu d’importance, tandis qu’en Belgique les villes de Bruges et d’Ypres, de Louvain, de Malines, d’Anvers, ont eu le bon esprit de préserver de la destruction ces précieux restes de leur grandeur pendant les XIIIe et XVe siècles (voy. Bourse).

Pendant les XIe, XIIe, XIIIe et XIVe siècles, un grand nombre d’hôpitaux furent fondés. Les évêques et les établissements religieux furent des premiers à offrir des refuges assurés et rentés aux malades pauvres. Les pestes étaient fréquentes au moyen âge, dans des villes non pavées, resserrées entre des murailles d’autant moins étendues que leur construction occasionnait des dépenses considérables. Les guerres avec l’Orient avaient introduit la lèpre en Occident. Beaucoup de monastères et de châteaux avaient établi, dans leur voisinage, des léproseries, des maladreries, qui n’étaient que de petits hôpitaux entretenus par des religieux. Les moines augustins (hospitaliers) s’étaient particulièrement attachés au service des malades pauvres, et dès le XIIe siècle un grand nombre de maisons hospitalières des grandes villes étaient desservies par des religieuses augustines. De simples particuliers, « meuz de pitié, » comme dit le P. du Breul, abandonnaient des propriétés aux pauvres malades « passants par la ville ; » ils les dotaient, et bientôt ces maisons, enrichies de dons, pourvues de privilèges accordés par les évêques, les princes séculiers et les papes, de-

  1. Lettres sur l’hist. de France, par Aug, Thierry, 1842, lettre XX.