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bourgeois d’une ville eussent-ils voulu capituler, que la garnison pouvait se garder contre eux et leur interdire l’accès des tours et courtines. C’est un système de défiance adopté envers et contre tous.

C’est dans tous ces détails de la défense pied à pied qu’apparaît l’art de la fortification du XIe au XVIe siècle.

C’est en examinant avec soin, en étudiant scrupuleusement jusqu’aux moindres traces des obstacles défensifs de ces époques, que l’on comprend ces récits d’attaques gigantesques, que nous sommes trop disposés à taxer d’exagération. Devant ces moyens de défense si bien prévus et combinés, on se figure sans peine ces travaux énormes des assiégeants, ces beffrois mobiles, ces estacades, boulevards ou bastilles, que l’on opposait à un assiégé qui avait calculé toutes les chances de l’attaque, qui prenait souvent l’offensive, et qui était disposé à ne céder un point que pour se retirer dans un autre plus fort.

Aujourd’hui, grâce à l’artillerie, un général qui investit une place non secourue par une armée de campagne, peut prévoir le jour et l’heure où cette place tombera. On annoncera d’avance le moment où la brèche sera praticable, où les colonnes d’attaque entreront dans tel ouvrage. C’est une partie plus ou moins longue à jouer, que l’assiégeant est toujours sûr de gagner, si le matériel ne lui fait pas défaut, et s’il a un corps d’armée proportionné à la force de la garnison. « Place attaquée, place prise, » dit le dicton français[1]. Mais alors nul ne pouvait dire quand et comment une

  1. Comme beaucoup d’autres, ce dicton n’est pas absolument vrai cependant, et bien des exemples viennent lui donner tort. Il est certain que, même aujourd’hui, une place défendue par un commandant habile, ingénieux, et dont le coup d’œil est prompt, peut tenir beaucoup plus longtemps que celle qui sera défendue par un homme routinier et qui ne trouvera pas dans son intelligence des ressources nouvelles à chaque phase de l’attaque. Peut-être, depuis que la guerre de siége est devenue une science, une sorte de formule, a-t-on fait trop bon marché de toutes ces ressources de détail qui étaient employées encore au XVIe siècle. Il n’est pas douteux que les études archéologiques qui ont eu sur les autres branches de l’architecture une si grande influence, réagiront également sur l’architecture militaire ; car, à notre avis (et notre opinion