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d’objet, dans ce plan, est encore plus marquée que dans le plan de la cathédrale de Paris. Outre les entrées de la façade, deux portes sont ménagées en A et B ; et c’est (comme à Notre-Dame de Paris, à la porte Sainte-Anne) avec des fragments de sculpture appartenant au XIIe siècle que ces portes sont bâties[1]. On élève, vers le milieu du XIIIe siècle, deux porches en avant de ces portes. À côté sont ménagés deux larges escaliers qui descendent à une église souterraine, à doubles bas-côtés, enveloppant l’ancienne crypte de la cathédrale du XIe siècle. Les petites chapelles absidales n’apparaissent pas dans l’église inférieure ; elles sont portées en encorbellement (voy. Chapelle) Sur un pilier accosté de deux colonnes dégagées. Cette église inférieure n’est pas une nécessité du culte, mais une nécessité de construction ; à la fin du XIIe siècle, les remparts romains de la ville de Bourges s’élevaient à quelques mètres de l’abside de l’ancienne cathédrale, qui ne dépassait pas le sanctuaire de celle actuelle. Voulant faire pourtourner les doubles collatéraux, les constructeurs se trouvaient obligés de descendre dans les fossés de la ville ; il y avait donc nécessité de faire un étage inférieur, ce qui fut fait avec un luxe de construction remarquable ; car de toute la cathédrale de Bourges, c’est cet étage inférieur qui est le mieux bâti ; là, rien n’a été épargné, ni les matériaux qui sont d’une belle qualité, ni la taille, ni même la sculpture, qui est du plus beau caractère. Mais la cathédrale de Bourges était en retard. Sa partie orientale, sortie de terre seulement vers 1220, était à peine élevée à la hauteur des voûtes du deuxième collatéral, que les ressources étaient moins abondantes. La construction s’en ressentit, et toutes les parties supérieures de cet immense vaisseau furent terminées tant bien que mal, à la hâte, et probablement en réduisant la hauteur de la nef, qui, nous le croyons, avait été projetée sur une coupe plus élancée (voy. Architecture Religieuse, fig. 34, la coupe de cette cathédrale). La partie antérieure de la nef ne fut achevée qu’au XIVe siècle, et le sommet de la façade avec ses deux tours qu’au XVIe. Des chapelles latérales vinrent gâter ce beau plan, et entourer le colosse d’une décoration parasite ; mais, à partir de la fin du XIIIe siècle, bien peu de cathédrales en France purent se soustraire à la manie de ces chapelles latérales. La grande idée première qui les avait fait élever était sortie de l’esprit du clergé pendant le cours de ce siècle. Les confréries, les corporations, des familles même, en donnant des sommes

  1. Nous avons entendu exprimer l’opinion que ces portes étaient les restes, demeurés en place, d’une église du XIIe siècle ; il n’est pas besoin d’être très-familier avec les détails de sculpture et les moulures des XIIe et XIIIe siècles, pour reconnaître qu’à la porte B du sud, par exemple, le trumeau portant la figure du Christ est du XIIIe siècle, que les moulures de soubassements et quelques colonnes servant de supports aux statues sont du XIIIe siècle, tandis que les figures des ébrasements, les linteaux et tympans sont du XIIe. C’est encore là, comme à Paris, une collection de fragments précieux, un souvenir d’un édifice antérieur qu’on a voulu conserver et enchâsser dans la construction même. Du reste, comme à Paris, ces sculptures méritaient bien cet honneur ; elles sont de la plus grande beauté.