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admirables transsepts était encore toute fraîche, et c’est peut-être en témoignage de ses regrets, et comme une sorte de protestation contre la bulle du Saint-Père[1], que le chapitre de Noyon voulut que les transsepts de sa nouvelle église lui rappelassent, au moins par leur plan, ceux de la cathédrale qu’il avait perdue… »

L’incendie de 1131 ne fut pas le seul qui attaqua la cathédrale de Noyon ; en 1152, la ville fut brûlée, et la cathédrale fut probablement atteinte ; mais alors ou l’église de Beaudoin n’était pas commencée, ou elle était à peine sortie de terre, et l’incendie ne put détruire que des constructions provisoires faites pour que le culte ne fût pas interrompu pendant la construction du nouveau chœur. En 1238, le feu dévasta, pour la troisième fois, une grande partie de la ville. En 1293, quatrième incendie, qui brûla les charpentes de la nouvelle cathédrale et lui causa des dommages considérables. Ces dévastations successives expliquent certaines singularités que l’on remarque dans les constructions de la cathédrale de Noyon. Nous allons y revenir.

Observons d’abord que le plan du chœur de la cathédrale de Noyon est accompagné de cinq chapelles circulaires et de quatre chapelles carrées ; or ces chapelles sont la partie la plus ancienne de toute l’église. Nous avons vu et nous verrons que les plans des cathédrales bâties vers la fin du XIIe siècle et le commencement du XIIIe, comme Notre-Dame de Paris, Bourges, Laon, Chartres, sont totalement ou presque totalement dépourvues de chapelles. Mais Noyon précède le grand mouvement qui porte les évêques et les populations à élever de nouvelles cathédrales, mais le plan de Noyon est encore soumis à l’influence canonique ou conventuelle, mais enfin Noyon suit la construction de l’église de Saint-Denis, qui possède de même des chapelles circulaires et des chapelles carrées à l’abside. Si nous examinons le plan de Notre-Dame de Noyon, nous voyons encore qu’à l’entrée du chœur, après les deux piles des transsepts, sont élevées deux piles aussi épaisses. En regard, les maçonneries des bas-côtés ont également une grande force, et contiennent des escaliers. Des tours sont commencées sur ce point, elles ne furent jamais terminées. Dans la nef, dont la construction parait être comprise entre les années 1180 et 1190, nous voyons cinq travées presque carrées portées par des piles formées de faisceaux de colonnes, et divisées par des colonnes monocylindriques. Cette disposition indique nettement des voûtes composées d’arcs ogives portant sur les grosses piles, avec arcs doubleaux simples sur les piles intermédiaires (fig. 8). C’est, en effet, le mode adopté pour la construction des voûtes de Notre-Dame de Paris, de Bourges et de Laon ; cependant, contrairement à cette disposition si bien écrite dans le plan de la nef, les voûtes sont construites conformément à l’usage adopté au XIIIe siècle, c’est-à-dire que

  1. La réunion des deux évêchés de Tournay et de Noyon fut maintenue jusque vers 1135 ; à cette époque, les chanoines de Tournay obtinrent une bulle qui prononçait la séparation des deux diocèses et donnait à Tournay un évêque propre.