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bien franche commandée par un programme arrêté. Quant au style d’architecture adopté dans la cathédrale de Laon, il se rapproche de celui des parties de Notre-Dame de Paris qui datent du commencement du XIIIe siècle ; il est cependant plus lourd, plus trapu ; il faut dire aussi que les matériaux employés sont plus grossiers.

À la fin du XIIIe siècle, ce beau plan fut défiguré par l’adjonction de chapelles élevées entre les saillies des contreforts de la nef. Une salle fut érigée au milieu du préau du cloître. C’est aussi pendant le cours du XIIIe siècle que les dispositions premières du porche furent modifiées. Les sept tours étaient surmontées de flèches, détruites aujourd’hui (voy. Clocher).

Malgré son importance, la cathédrale de Laon fut élevée avec une précipitation telle, que, sur quelques points, et particulièrement sur la façade, les constructeurs dédaignèrent de prendre les précautions que l’on prend d’ordinaire, lorsque l’on bâtit des édifices de cette dimension : les fondations furent négligées, ou bloquées au milieu des restes de substructions antérieures ; on ne laissa pas le temps aux constructions inférieures des tours de s’asseoir avant de terminer leurs sommets. Il en résulta des tassements inégaux, des déchirements qui compromirent la solidité de la façade[1].

La cathédrale de Laon conserve quelque chose de son origine démocratique ; elle n’a pas l’aspect religieux des églises de Chartres, d’Amiens ou de Reims. De loin, elle paraît un château plutôt qu’une église ; sa nef est, comparativement aux nefs ogivales et même à celle de Noyon, basse ; sa physionomie extérieure est quelque peu brutale et sauvage ; et jusqu’à ces sculptures colossales d’animaux, bœufs, chevaux, qui semblent garder les sommets des tours de la façade (voy. Animaux), tout concourt à produire une impression d’effroi plutôt qu’un sentiment religieux, lorsqu’on gravit le plateau sur lequel elle s’élève. On ne sent pas, en voyant Notre-Dame de Laon, l’empreinte d’une civilisation avancée et policée, comme à Paris ou à Amiens ; là, tout est rude, hardi : c’est le monument d’un peuple entreprenant, énergique et plein d’une mâle grandeur. Ce sont les mêmes hommes que l’on retrouve à Coucy-le-Château, c’est une race de géants.

Nous ne quitterons pas cette partie de la France sans parler de la cathédrale de Soissons. Cet édifice fut certainement conçu sur un plan dont les dispositions rappellent le plan de la cathédrale de Noyon (fig. 10). Comme à Noyon, le transsept sud de la cathédrale de Soissons, qui date de la fin du XIIe siècle, est arrondi, et il est flanqué à l’est d’une vaste chapelle circulaire à deux étages, comme celles des transsepts de Laon. À Soissons, ce croisillon circulaire possède un bas-côté avec galerie voûtée au-dessus

  1. Cette partie de la cathédrale de Laon est aujourd’hui en pleine restauration, sous la direction de M. Bœswiswald, architecte des monuments historiques. La cathédrale de Laon n’est plus siége épiscopal depuis la révolution ; elle dépend du siége de Soissons.