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réunies à leurs extrémités par des boucles et des clavettes, ainsi que l’indique la fig. 8[1].


On tendait la chaîne fortement en frappant sur les clavettes, comme on le fait aujourd’hui pour les chaînages dont les bouts sont assemblés à traits-de-Jupiter.

CHAÎNE. Pendant le moyen âge et jusque vers le commencement du XVIIe siècle, il était d’usage de placer aux angles des rues, aux portes des villes et des faubourgs, à l’entrée des ponts, des chaînes que l’on tendait la nuit, ou lorsqu’on craignait quelque surprise. Ces chaînes, fort lourdes, étaient scellées d’un bout à un gros anneau fixe et de l’autre venaient s’accrocher à un crochet[2] ou à une barre de fer, sorte de verrou garni d’un moraillon entrant dans une serrure que l’on fermait à clef pour empêcher les premiers venus de détendre la chaîne. Lorsque les chaînes étaient tendues dans une ville, il devenait impossible à de la cavalerie de circuler ; les piétons même se trouvaient ainsi arrêtés à chaque pas[3]. Dans les rues, les maisons permettaient de sceller les chaînes à leurs parois ; mais sur les routes, à l’entrée des ponts ou des faubourgs, en dehors des portes et passages, les chaînes étaient attachées à des poteaux de bois avec contrefiches. Ces supports étaient désignés sous le nom d’estaques. En temps de paix, les portes des villes restaient souvent ouvertes la nuit, et on se contentait de tendre les chaînes, attachées à l’extérieur, d’une tour à l’autre. On voit encore, à la porte Narbonnaise de Carcassonne, la place de la chaîne ; elle était scellée d’un bout à la paroi de l’une des tours ; l’autre bout était introduit, par un trou pratiqué à cet

  1. Ce détail est copié sur le grand chaînage qui fut placé, à la fin du XVe siècle, sur le sol du triforium de la cathédrale d’Amiens pour arrêter le bouclement des quatre piles de la croisée, fatiguées par la charge de la tour centrale, avant l’incendie de cette tour.
  2. On voit encore un de ces grands crochets à l’angle du mur sud de la cathédrale d’Amiens, près de la façade.
  3. « Deniers payez pour la coutence des kaisnes que on a fait en aucunes rues. » — Compte de recette et dépense de Valenciennes, année 1414. — Les chaînes nouvellement faites, sans compter les anciennes ; étaient au nombre de quatre-vingt-treize.