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« Qui cousteront deniers assés,
« Si sunt moult lez et moult parfont.
« Li maçons sus les fossés font
« Ung mur de quarriaus tailléis,
« Qui ne siet pas sus croléis (qui n’est pas assis sur terre meuble),
« Ains est fondé sus roche dure :
« Li fondement tout à mesure
« Jusqu’au pié du fossé descent,
« Et vait amont en estrecent (et s’élève en talus) ;
« S’en est l’uevre plus fors assés.
« Li murs si est si compassés,
« Qu’il est de droite quarréure ;
« Chascuns des pans cent toises dure,
« Si est autant lons comme lés[1].
« Les tornelles sunt lés à lés (de distance en distance),
« Qui richement sunt bataillies (fortifiées)
« Et sunt de pierres bien taillies,
« As quatre coingnés (coins) en ot quatre
« Qui seroient fors à abatre ;
« Et si i a quatre portaus
« Dont li mur sunt espés et haus,
« Ung en i a ou front devant
« Bien déffensable par convant[2],
« Et deux de coste, et ung derriere[3],
« Qui ne doutent cop de perrière.
« Si a bonnes portes coulans
« Por faire ceus defors doulans,
« Et por eus prendre et retenir,

  1. Guillaume de Lorris double ici les dimensions en longueur et largeur ; mais il faut bien permettre l’exagération aux poëtes.
  2. En effet, devant la porte principale, vers la Seine, était un petit ouvrage avancé propre à contenir un poste.
  3. Ces quatre portes étaient une exception ; généralement les châteaux ne possédaient, à cette époque, qu’une ou deux portes au plus, avec quelques poternes. Mais le Louvre était un château de plaine à proximité d’une grande ville, et la multiplicité des portes était motivée par les défenses extérieures qui étaient fort importantes et par la nécessité où se trouvait le souverain de pouvoir recevoir dans son château un grand concours de monde. Nous voyons cette disposition de quatre portes conservée, au XIVe siècle, à Vincennes et au château de la Bastille, qui n’était cependant qu’un fort comparativement peu important comme étendue. Les quatre portes étaient surtout motivées, nous le croyons, par le besoin qui avait fait élever ces forteresses plantées autour de la ville de Paris pour maintenir la population dans le respect. Il ne s’agissait pas ici de se renfermer et de se défendre comme un seigneur au milieu de son domaine ; mais encore, dans un cas pressant, de détacher une partie de la garnison sur un point de la ville en insurrection, et, par conséquent, de ne pas se laisser bloquer par une troupe d’insurgés qui se seraient barricadés devant l’unique porte. Bien en prit, longtemps après, à Henri III, d’avoir plusieurs portes à son Louvre.