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[charpente]
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ment parler, d’entraits, comme elle n’a pas d’arbalétriers. C’est là une disposition exceptionnelle en France, ou du moins qui ne se rencontre que dans des cas particuliers comme celui-ci. Mais il faut observer que le chevronnage se rapproche beaucoup de la verticale, qu’il est très-léger et qu’enfin les jambettes qui s’assemblent dans la sablière posée au-dessus du plancher sont fortes et maintiennent la poussée des chevrons par leur courbure. Les entraits de cette charpente ne sont, par le fait, que les énormes poutres transversales du plancher qui retiennent l’écartement des murs.

Mais si nous voulons voir des charpentes apparentes dont l’écartement est maintenu sans entraits, et au moyen d’un système d’assemblage différent de ceux que nous venons d’examiner, il faut aller en Angleterre. Quand, par exception, les Anglais ont armé les fermes de leurs charpentes d’entraits, il semble qu’ils n’aient pas compris la fonction de cette pièce, qui est, comme chacun sait, d’arrêter seulement l’écartement des arbalétriers ; l’entrait ne doit rien porter, mais au contraire il a besoin d’être suspendu au poinçon au milieu de sa portée ; car de sa parfaite horizontalité dépend la stabilité de la ferme. On trouve encore, en Angleterre, des charpentes du XIIIe siècle combinées de telle façon que l’entrait porte le poinçon (désigné sous le nom de poteau royal) et par suite toute la ferme. Dans ce cas, l’entrait est une énorme pièce de bois posée sur son fort. Depuis longtemps, en France, on élevait des charpentes dans lesquelles la fonction de l’entrait était parfaitement comprise et appliquée, que, de l’autre côté de la Manche, et probablement en Normandie, on persistait à ne voir dans l’entrait qu’un point d’appui. Il nous serait difficile de découvrir les motifs de cette ignorance d’un principe simple et connu de toute antiquité. Peut-être cela tient-il seulement à la facilité avec laquelle, dans ces contrées, on se procurait des bois d’un énorme équarrissage et de toutes formes. Ainsi, dans une salle, à Charney (Berkshire), dont la charpente remonte à 1270, nous trouvons un comble qui repose presque entièrement sur une poutre très-grosse, posée sur son fort, et qui, par le fait, tient lieu d’entrait en même temps qu’elle supporte tout le système de la charpente.

Nous donnons (27 bis) en A une ferme principale et en B la coupe longitudinale de ce comble. Il ne se compose que d’une série de chevrons armés d’entraits retroussés R et de liens. Les entraits retroussés reposent sur une forte filière F soulagée par des liens C reportant sa charge sur un poinçon D, posé lui-même sur l’entrait ou la poutre E.

On comprendra que des constructeurs qui comprenaient si mal la fonction de l’entrait aient cherché à se priver de ce membre. Aussi voyons-nous, dès le XIVe siècle, les Anglo-Normands chercher des combinaisons de charpentes de combles dans lesquelles l’entrait se trouve supprimé. Ces combinaisons doivent être indiquées par nous, car certainement elles étaient employées, pendant le moyen âge, en Normandie, dans le nord de la France, et les charpentes des XIVe et XVe siècles que