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Les constructeurs du XIIe siècle apportèrent quelques modifications à ces premières méthodes. Bâtissant des édifices plus vastes comme étendue et plus élevés que ceux de la période romane, cherchant à diminuer l’épaisseur des points d’appui intérieurs et des murs, il leur fallait, d’une part, trouver un mode de construction plus homogène et résistant ; de l’autre, éviter, dans des monuments d’une grande hauteur déjà, la dépense de main-d’œuvre que le montage de matériaux d’un fort volume eût occasionnée. Ils renoncèrent dès lors à l’emploi du grand appareil (sauf dans des cas particuliers ou dans quelques édifices exceptionnels), et préférèrent la construction de petit appareil, tenant du moellon bien plutôt que de la pierre de taille. Autant que possible, la majeure partie des pierres employées alors, formant parements, claveaux d’archivoltes, d’arcs doubleaux et d’arcs ogives, sont d’un assez faible échantillon pour pouvoir être montées à dos d’homme et posées par un maçon comme notre moellon ordinaire. La méthode admise, ce petit appareil est fort bien fait, très-judicieusement combiné : c’est un terme moyen entre la construction romaine de grand appareil et celle de blocages revêtus de briques ou de moellon. En adoptant le petit appareil dans les grands édifices, les constructeurs du XIIe siècle avaient trop de sens pour poser ces assises basses et peu profondes, à joints vifs, comme certaines constructions romanes ; au contraire, ils séparèrent ces assises par des lits et joints de mortier épais (de 0,01 c. à 0,02 c.), afin que ces lits établissent une liaison entre le massif intérieur et les parements. Cette méthode était la méthode romaine, et elle est bonne. On comprendra en effet que si (30) on pose des assises à joints vifs devant un massif en blocaille et mortier, le massif venant à tasser par l’effet de la dessiccation des mortiers sous la charge, et les assises de pierres posées à crû les unes sur les autres ne pouvant diminuer de volume, il se déclarera une rupture verticale AB derrière le parement, qui ne tardera pas à tomber. Mais si (30 bis) nous avons eu le soin de laisser entre chaque assise de pierre un lit de mortier épais, non-seulement ce lit soudé au massif retiendra les assises de pierre, mais encore il permettra à celles-ci de subir un tassement équivalent au tassement des blocages intérieurs.

Les constructeurs romans primitifs, surtout dans les contrées où l’on peut se procurer de grandes pierres dures, comme dans la Bourgogne, en Franche-Comté et en Alsace, sur la Saône et le Rhône, n’ont pas manqué de singer l’appareil romain, en posant, à joints vifs, des carreaux larges et hauts, des dalles, pour ainsi dire, devant les blocages ; mais aussi payèrent-ils cher ce désir de faire paraître leurs constructions autres qu’elles ne sont. Il se déclara dans la plupart de ces édifices des ruptures entre les parements et les blocages, des lézardes longitudinales qui occasionnèrent chez presque tous des désordres sérieux pour le moins la ruine souvent. Ces effets étaient d’autant plus fréquents et dangereux que les édifices étaient plus élevés. Mieux avisés, et instruits par l’expérience, les architectes du XIIe siècle, autant par une raison d’économie et de faci-