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[voûtes]
[construction]
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indépendants dès leur naissance et extradossés, si les joints des premiers claveaux sont normaux aux courbes, il est clair que la pile B ne reposera pas sur l’assiette EF, comme cela devrait être, mais sur le faible remplissage G, et qu’alors sa stabilité ne pourra être assurée, que la pression sur les reins des premiers claveaux causera infailliblement des désordres, des ruptures et des écrasements. Ce fut cependant cette méthode qu’employèrent les derniers architectes romans, et elle eut souvent des conséquences désastreuses. En pareille circonstance, les premiers constructeurs gothiques procédèrent différemment. Soit H la pile portant une charge supérieure K, ils posèrent autant de sommiers à lits horizontaux qu’il en fallait pour que les verticales LM trouvassent une assiette, et ne commencèrent les coupes des claveaux normales aux courbes que lorsque ces courbes s’affranchissaient des parois verticales LM. Jusqu’à une certaine hauteur, les arcs étaient donc composés, par le fait, d’une suite d’assises en encorbellement à lits horizontaux. Ces constructeurs avaient trop de sens pour imaginer les crossettes I, qui ne peuvent jamais être bien posées et dont les lits ne sauraient être exactement remplis de mortier : ils préféraient adopter franchement les encorbellements. Ceux-ci avaient encore un avantage : ils détruisaient en partie l’effet des poussées. Nous ne devons pas omettre de dire ici que le devant des claveaux ou sommiers est toujours posé à l’aplomb du carré supérieur de la corbeille du chapiteau, ainsi que l’indique le tracé B, fig ; 46 ; quant au carré de la base de la colonnette de formeret, il est posé à fleur du tailloir, afin que le nu de la colonnette arrive aplomb du carré de la corbeille du chapiteau (voy. la même figure 46).

Dès qu’il fut admis que l’on pouvait poser à la naissance des voûtes une série de sommiers d’arcs superposés à lits horizontaux, les architectes n’avaient plus besoin de se préoccuper de trouver une assiette assez large sur le tailloir des chapiteaux pour recevoir les claveaux de plusieurs arcs juxtaposés, mais seulement de faire en sorte que ces arcs vinssent à se pénétrer sur la plus petite assiette possible. Suivant toujours leurs raisonnements avec rigueur, ils reconnurent également que la résistance des arcs, dans le système de voûtes nouvellement adopté, est en raison de la hauteur des claveaux et non en raison de leur largeur, et qu’à section égale comme surface, un claveau, par exemple (47), posé ainsi qu’il est indiqué en A, résistait beaucoup plus à la pression qu’un claveau posé suivant le tracé B. Or, vers le commencement de la seconde moitié du XIIe siècle, les claveaux des arcs sont généralement compris dans une section carrée C, de huit pouces (0,22  c.) à un pied ou dix-huit pouces de côté (0,33  c. et 0,50  c.), suivant la largeur de la voûte ; tandis que, vers la fin de ce siècle, si les claveaux des arcs doubleaux conservent encore cette section, ceux des arcs ogives (arcs dont le diamètre est plus grand cependant, mais qui n’ont pas à résister à la pression des arcs-boutants) perdent une partie de leur largeur et conservent du champ, ainsi qu’on le voit en D. Prenant moins de largeur de E en F, leur trace sur le tailloir