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[voûtes]
[construction]
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être exactement appréciées. Mais si, au lieu de ces premiers claveaux posés tant bien que mal à côté les uns des autres sur les tailloirs des chapiteaux, occupant une assiette large, sans solidarité entre eux, nous supposons un sommier pris dans une seule assise ; si nous combinons le départ des arcs de façon à ce qu’ils se pénètrent complètement, pour ne faire qu’un seul sommier au lieu de trois, déjà nous aurons fait un pas, car la résultante des pressions diverses se produira sur un seul morceau de pierre qu’il faudra seulement rendre immobile ; mais si encore, non contents de ce premier résultat, ayant groupé nos naissances d’arcs en un faisceau aussi serré que possible, nous ne considérons les sommiers que comme des assises en encorbellement, que nous placions plusieurs de ces assises ou sommiers les uns sur les autres en taillant leurs lits horizontaux jusqu’à ce que les développements des courbes de chacun des arcs nous permettent de dégager leurs claveaux de cette masse en tas-de-charge, alors nous serons certains d’avoir à la base de nos voûtes une résultante de pressions agissant suivant une ligne dont nous ne pourrons exactement apprécier le point de départ, la puissance et la direction ; de plus, nous serons assurés que la tête de l’arc-boutant viendra s’appuyer, non sur une maçonnerie sans liaison et sans force, mais contre une construction rigide présentant une surface homogène, comme le serait la pièce de charpente contre laquelle on appuie la tête d’un étai. Mais nous avons fait des progrès ; d’abord, nous avons reconnu que les voûtes en arcs d’ogive comprenant deux travées, c’est-à-dire sur plan carré dont les diagonales sont coupées par un arc doubleau intermédiaire, nous obligent à donner aux voûtes une forme très-bombée qui nous gêne pour poser les charpentes ; car les diagonales du carré étant beaucoup plus longues que l’un de ses côtés, ces diagonales, servant de diamètre aux arcs ogives, élèvent leur clef au-dessus de la naissance à une hauteur égale à ce demi-diamètre (voy. fig. 20, 20 bis et 21), hauteur que la clef de nos arcs doubleaux ne peut atteindre, à moins de donner beaucoup d’aiguïté à ces arcs.

Vers 1230, on renonce donc à ce mode de voûte sur plan carré, et l’on établit les arcs ogives des hautes nefs sur plan barlong, c’est-à-dire que chaque travée porte sa voûte complète. Nous pouvons ainsi faire que les clefs des arcs ogives, doubleaux et formerets, atteignent un même niveau ou à peu près. Les constructeurs, voulant avoir des sommiers à lits horizontaux jusqu’au point où ces arcs cessent de se pénétrer, observent que la méthode la plus simple pour que ces sommiers ne donnent pas de difficultés de tracé consiste à donner aux arcs ogives et arcs doubleaux un même rayon. Soit donc une voûte sur plan barlong (48), l’arc ogive AC rabattu est un plein cintre ABC ; reportant le demi-diamètre AD sur la ligne de base de l’arc doubleau AE, nous obtenons en F le centre de l’une des branches de l’arc doubleau, et nous traçons l’arc AG, qui possède le même rayon que l’arc ABC ; reportant la longueur AF de E en F′, nous obtenons en F′ le second centre de l’arc doubleau, et traçons la seconde branche EG. C’est ainsi que sont tracés les arcs des premières voûtes