Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 5.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[échauguette]
— 116 —

permet de le chauffer ; à droite de la cheminée est la tablette destinée à recevoir une lampe. Les gens du poste pouvaient facilement monter sur le terrasson supérieur pour voir ce qui se passait au loin. Ces grandes échauguettes à deux étages sont assez communes ; il est à croire qu’en temps de guerre les soldats abrités dans l’étage couvert étaient posés en faction, à tour de rôle, sur la terrasse supérieure. Des deux côtés de la tour du Trésau, à Carcassonne, nous voyons de même deux hautes échauguettes ainsi combinées ; seulement il fallait de l’étage fermé monter sur le terrasson par une échelle, en passant à travers un trou pratiqué dans le milieu de la petite voûte (voy. Construction, fig. 154).

Il faut distinguer toutefois les échauguettes destinées uniquement à la surveillance au loin de celles qui servent en même temps de guette et de défense. Les donjons possédaient toujours une échauguette, au moins, au sommet de laquelle se tenait la sentinelle de jour et de nuit qui, sonnant du cor, avertissait la garnison en cas de surprise, de mouvement extraordinaire à l’extérieur, d’incendie ; qui annonçait le lever du soleil, le couvre-feu, la rentrée d’un corps de troupes, l’arrivée des étrangers, le départ ou le retour de la chasse : « La nuit dormi et fu aise et quant il oï le gaite corner le jour, si se leva et ala à l’église proijer Dieu, qu’il li aidast[1]. » Ces sortes de guettes consistent en une tourelle dominant les alentours par-dessus les crénelages et les combles. Certains donjons, par leur situation même, comme les donjons des châteaux Gaillard, de Coucy, n’avaient pas besoin de guette : leur défense supérieure en tenait lieu ; mais les donjons composés de plusieurs logis agglomérés, comme le donjon d’Arques et, beaucoup plus tard, celui de Pierrefonds par exemple, devaient nécessairement posséder une guette. Dans le château de Carcassonne, qui date du commencement du XIIe siècle, la guette est une tour spéciale sur plan barlong, contenant un escalier avec un terrasson crénelé au sommet. Cette tour domine toutes les défenses du château et même celles de la cité ; elle renfermait, vers les deux tiers de sa hauteur, un petit poste éclairé par une fenêtre donnant sur la campagne (voy. Architecture Militaire, fig. 12 et 13). Les échauguettes destinées seulement à l’observation n’offrent rien de particulier : ce sont des tourelles carrées, à pans, ou le plus souvent cylindriques, qui terminent les escaliers au-dessus des tours principales des châteaux, en dépassant de beaucoup le niveau de la crête des combles les plus élevés. Les échauguettes servant à contenir un poste ou même une sentinelle pouvant au besoin agir pour la défense d’une place sont, au contraire, fort intéressantes à étudier, leurs dispositions étant très-variées, suivant la place qu’elles occupent.

Vers la fin du XIIIe siècle, les portes sont habituellement munies d’échauguettes bâties en encorbellement aux angles du logis couronnant l’entrée (voy. Porte ). Ces échauguettes servent en même temps de guérites pour les sentinelles et de flanquement. La belle porte qui, à Prague en

  1. La Chronique de Rains, chap. VIII.