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[escalier]
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rières d’autour de Paris. Et comme si pour les faire, ces carrières eussent été épuisées, pour l’achever on fut obligé d’avoir recours au cimetière Saint-Innocent, et troubler le repos des morts : de sorte qu’en 1365, Raimond du Temple, conducteur de l’ouvrage, enleva vingt tombes le 27 septembre, qu’il acheta quatorze sols parisis la pièce de Thibault de la Nasse, marguillier de l’église, et enfin les fit tailler par Pierre Anguerrand et Jean Colombel pour servir de pallier. »

« Nous l’avons vu ruiner (cet escalier), en 1600, quand Louis XIII fit reprendre l’édifice du Louvre, sous la conduite d’Antoine Lemercier. Pour le rendre plus visible et plus aisé à trouver, maître Raimond le jeta entièrement hors-d’œuvre en dedans la cour[1], contre le corps de logis qui regardoit sur le jardin[2] ; et pour le rendre plus superbe (l’escalier), il l’enrichit par dehors de basses-tailles, et de dix grandes figures de pierre couvertes chacune d’un dais, posées dans une niche, portées sur un piédestal : au premier étage, de côté et d’autre de la porte, étoient deux statues de deux sergens-d’armes, que fit Jean de Saint-Romain[3], et autour de la cage furent répandues par dehors, sans ordre ni symétrie, de haut en bas de la coquille, les figures du roi, de la reine et de leurs enfans mâles[4] ; Jean du Liége travailla à celles du roi et de la reine ; Jean de Launay et Jean de Saint-Romain partagèrent entre eux les statues du duc d’Orléans et du duc d’Anjou ; Jacques de Chartres et Gui de Dampmartin, celles des ducs de Berri et de Bourgogne ; et ces sculpteurs, pour chaque figure, eurent vingt francs d’or, ou seize livres parisis. Enfin, cette vis étoit terminée des figures de la Vierge et de saint Jean de la façon de Jean de Saint-Romain ; et le fronton de la dernière croisée[5] étoit lambrequiné des armes de France, de fleurs de lis sans nombre[6], qui avoient pour support deux anges, et pour cimier un heaume couronné, soutenu aussi par deux anges, et couvert d’un timbre chargé de fleurs de lis par dedans. Un sergent-d’armes haut de trois pieds, et sculpté par Saint-Romain, gardoit

  1. C’était bien là en effet le but que se proposaient les architectes du moyen âge. De plus, en plaçant ainsi les grands escaliers hors-œuvre, ils ne dérangeaient pas les distributions intérieures, prenaient autant de jours qu’ils voulaient et disposaient leurs paliers sans embarras.
  2. C’est-à-dire en dedans du corps de logis du nord. (Voy. Château, fig. 20, 21 et 22.)
  3. On voit que Raymond avait signé son œuvre en plaçant ainsi deux sergents d’armes des deux côtés de la porte principale donnant au premier étage sur l’escalier.
  4. Sauval entend indiquer évidemment ici que ces dernières statues étaient posées suivant le giron de l’escalier. En effet, dans ces escaliers à vis, l’architecture suivait le mouvement des marches et les statues devaient ressauter à chaque pilier, pour cadrer avec l’architecture.
  5. Le gâble de la dernière croisée.
  6. Ce fut Charles V qui le premier ne chargea plus l’écu de France que de trois fleurs de lis ; ce changement aux armes de France n’eut donc lieu que postérieurement à 1365.