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auberge où on lui présente tout ce qui peut séduire un jeune homme : car les hôtelleries alors étaient bien garnies, pourvues de bons lits mous de plumes, de bon vin à foison, souvent frelaté cependant, de volaille et de venaison ; des filles étaient attachées à l’établissement et servaient d’appât pour attirer, retenir et dépouiller les voyageurs.

Au XIIIe siècle, les hôtelleries, tavernes, étaient le refuge de la lie des villes, et les ordonnances des rois restaient sans effet devant ces repaires de la canaille. Sous Philippe Auguste, en 1192, et pendant la régence de la reine Blanche de Castille, en 1229, des rixes terribles eurent lieu entre des écoliers de l’Université et des cabaretiers de Paris ; le prévôt fut incarcéré à la suite de la première, et l’Université renvoya les clercs à la suite de la seconde, sous le prétexte qu’on ne leur rendait pas justice. Au XIVe siècle, ces désordres ne firent que s’accroître ; la plupart des hôteliers étaient coupeurs de bourses, détrousseurs de passants ; si bien qu’en 1315, pour ôter aux aubergistes l’envie d’assassiner les étrangers qui s’arrêtaient chez eux, il fut rendu une ordonnance dans laquelle il était dit que « l’hoste qui retient les effets d’un étranger mort chez lui doit rendre le triple de ce qu’il a retenu[1]. » C’est dans une hôtellerie de la rue Saint-Antoine, à l’enseigne de l’Aigle, que Jeanne de Divion vint s’installer pour fabriquer les faux à l’aide desquels Robert d’Artois prétendait s’emparer de la succession de la comtesse de Mahaut. Ce lieu, dit M. Le Roux de Lincy, « était un petit séjour situé au bord de la rivière et plus loin que la Grève, partie de la ville alors presque déserte. » Les hôtelleries servaient aussi de repaire aux faux monnayeurs, ainsi que le témoigne ce passage du Renart contrefait[2] :

« C’est hostel de gloutonnie
Plain de trestoute ribandie
Recept de larrons et houlliers
De bougres, de faux monnoiers.
Quant tous malvais vœullent trichier
Es tavernes se vont muchier
Hostel de bourdes et vantance
Plain de male perseverance. »

C’était aussi dans les hôtelleries que venaient discourir les fauteurs de troubles publics, que se cachaient les espions[3].

On comprendra que ces établissements n’étaient autre chose que des maisons, le plus souvent isolées, et n’ayant d’autre marque distinctive qu’une enseigne pendue à la porte.

HOURD, s. m. Hourt, hour, ourdeys, gourt. Échafaud fermé de

  1. Laurière.
  2. Manuscrit de la Bib. imp., no 6985, f. Lancelot, fo 32.
  3. Voy. les Hôtelleries et Cabarets au moyen âge, par Franc. Michel et Éd. Fournier : t. I. Le Livre d’or des métiers.