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planches ; appliqué à l’architecture militaire, est un ouvrage en bois, dressé au sommet des courtines ou des tours, destiné à recevoir des défenseurs, surplombant le pied de la maçonnerie et donnant un flanquement plus étendu, une saillie très-favorable à la défense. Nous avons expliqué, dans l’article Architecture Militaire (voy. fig. 14, 15, 16 et 32), les moyens de construction et l’utilité des hourds ; toutefois l’objet prend une si grande importance dans l’art de la défense des places du XIe au XIVe siècle, que nous devons entrer dans des développements.

Il y a tout lieu de croire que, dès l’époque romaine, les hourds étaient en usage, car il est question, dans les Commentaires de César, d’ouvrages en bois qui sont de véritables hourds. Nous en avons donné un exemple à l’article Fossé, fig. 1. Dans l’ouvrage en bois qui couronnait les fossés du camp de César devant les Bellovaques, les galeries réunissant les tours sont des hourds continus protégeant un parapet inférieur[1]. La nécessité pour les défenseurs de commander le pied des remparts, d’enfiler les fossés et de se mettre à l’abri des projectiles lancés par les assiégeants, dut faire adopter les hourds dès l’époque gallo-romaine. Les crénelages supérieurs ne pouvaient, en cas de siège, présenter une défense efficace, puisque en tirant, les archers ou arbalétriers étaient obligés de se découvrir. Si l’assiégeant se logeait au pied même des murs, il devenait de toute impossibilité aux assiégés non-seulement de lui décocher des traits, mais même de le voir, sans passer la moitié du corps en dehors des créneaux. À la fin du XIe siècle déjà et au commencement du XIIe, nous remarquons, au sommet des tours et remparts, des trous de hourds percés au niveau des chemins de ronde[2]. Souvent alors ces trous sont doubles, de manière à permettre de poser, sous la solive en bascule, un lien destiné à soulager sa portée.

Les merlons des tours et courtines du château de Carcassonne (1100 environ) sont hauts (1m,60 à 1m,80) ; les trous de hourds sont espacés régulièrement, autant que le permet la courbe des tours ou les dispositions intérieures ; sous leurs pieds-droits sont percés, tout à travers, quatre trous : deux un peu au-dessous de l’appui des créneaux, deux au niveau du chemin de ronde. Du chemin de ronde (1), les charpentiers faisaient couler par le trou inférieur une première pièce A, puis une seconde pièce B, fortement en bascule. L’ouvrier passant par le créneau se mettait à cheval sur cette seconde pièce B, ainsi que l’indique le détail perspectif B′, puis faisait entrer le lien C dans son embrèvement. La tête de ce lien était réunie à la pièce B par une cheville ; un potelet D, entré de force par derrière, roidissait tout le système. Là-dessus, posant des plats-bords, il était facile de monter les doubles poteaux E, entre lesquels on glissait les madriers servant de garde antérieure, puis on assujettissait la toiture

  1. De Bello Gallico, I. VIII, c. IX.
  2. Au château de Carcassonne, par exemple, où les trous de hourds sont partout conservés.