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[jugement dernier]
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l’ordre de Louis XIV, quantité de débris du jubé qui datait du commencement du XIVe siècle et était d’une finesse d’exécution incomparable. Malheureusement ces fragments ne sont pas assez nombreux pour pouvoir reconstituer d’une manière certaine et dans toutes leurs parties ces charmants monuments. De tous les jubés que nous possédons encore en France, celui de la cathédrale d’Alby est certainement le plus vaste, le plus complet et le plus précieux ; chargé d’une multitude infinie de sculptures, de tailles délicates, il présente un des spécimens les plus extraordinaires de l’art gothique arrivé aux dernières limites de la délicatesse et de la complication des formes. Quelques églises de Bretagne conservent encore leurs jubés de bois ; nous citerons, comme le plus remarquable, celui de Saint-Fiacre au Faouët, qui date de la fin du XVe siècle. Il est entièrement peint.

JUGEMENT DERNIER. Ce sujet est fréquemment représenté, soit en sculpture, soit en peinture, dans nos églises du moyen âge. Mais la manière de le représenter diffère suivant le temps et suivant les écoles provinciales.

C’est sur le portail des églises abbatiales que nous voyons le Jugement dernier tenant tout d’abord une place importante ; mais, au XIIIe siècle, il apparaît dans les tympans des portes principales des cathédrales, des églises paroissiales et même des chapelles.

Sur la porte de la cathédrale d’Autun, dont la construction est de 1140 environ, nous voyons sculpté un des jugements derniers les plus anciens et les plus complets. Le Christ occupe la partie centrale du tympan ; à côté de lui se tient un ange qui pèse les âmes et un diable qui attend les damnés. Dans le linteau, à la droite du Christ, sont les élus qui regardent le ciel. Un ange colossal prend une à une les âmes des bienheureux et les introduit, par une fenêtre, dans un palais qui représente le paradis À la gauche du Sauveur sont les damnés ; un ange armé d’une épée leur interdit la communication avec les élus. Ces damnés, nus, ont la tête plongée dans leurs mains. Déjà, dans cette sculpture, l’idée dramatique domine ; les expressions sont rendues avec une vigueur sauvage qui ne manque ni de style ni de noblesse. Mais c’est au commencement du XIIIe siècle que les artistes se sont plu à représenter d’une manière étendue les scènes du Jugement dernier ; non-seulement alors elles occupent les tympans au-dessus des portes, mais les claveaux inférieurs des voussures. Le Jugement dernier de la porte centrale de la cathédrale de Paris est un des mieux traités. Le linteau est entièrement occupé par des personnages de divers états sortant de leurs tombeaux, réveillés par deux anges qui, de chaque côté, sonnent de la trompette. Tous ces personnages sont vêtus ; on y voit un pape, un roi, des guerriers, des femmes, un nègre. Dans la zone supérieure, au centre, est un ange qui pèse les âmes ; deux démons essayent de faire pencher l’un des plateaux de leur côté. À la droite du Christ sont les élus, tous vêtus de longues