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tallisation, c’est-à-dire de répétition à l’infini du principe admis que nous voyons appliqué rigoureusement dès la fin du XIIIe siècle dans l’architecture gothique, n’atteignit pas de prime abord ses conséquences logiques ; il y eut des tâtonnements, il se présenta des difficultés d’exécution qui ne furent qu’imparfaitement résolues. Les fenêtres hautes de la nef de la cathédrale d’Amiens sont certainement une de ces premières tentatives, car leur construction ne saurait être postérieure à 1235. Ces fenêtres (3)[1] se composent, comme on le sait, d’un meneau central bâti par hautes assises, de deux meneaux divisionnaires d’une plus faible section, composés de pierres en délit, de deux arcs en tiers-points parfaits, principaux, avec le grand œil supérieur, et de deux arcs en tiers-points parfaits portant sur les meneaux divisionnaires avec leur œil secondaire. Ces arcs en tiers-points secondaires portent leur nerf ou boudin continuant la section des meneaux divisionnaires, et ce nerf ou boudin vient pénétrer dans les biseaux des pieds-droits et du meneau central, ainsi que le fait voir le tracé perspectif A. Quant aux œils secondaires B et C, leur section est particulière et ne participe pas des membres dans lesquels ils pénètrent. On observera même que, gêné par l’appareil, le constructeur a posé les redents de l’œil B en feuillure comme ceux du grand œil central. (En E, nous donnons au double la section sur ab de ces œils secondaires.)

À Amiens, les constructeurs ne possédaient que des matériaux d’une assez médiocre résistance et d’une dimension peu considérable ; ils avaient donc éprouvé des difficultés pour construire ces énormes claires-voies, ils avaient dû multiplier les joints pour éviter les trop grands morceaux de pierre. Or, si on fait attention à l’appareil que nous avons exactement reproduit, on verra qu’en effet les morceaux n’ont que des dimensions ordinaires et que les joints sont tracés de manière à éviter les ruptures qui sont à craindre dans ces ouvrages à claires-voies. Comme il arrive toujours, ce ne sont pas les moyens les plus simples qui se présentent d’abord à l’esprit de ceux qui inventent. Ces meneaux, avec leurs sections variées, avec leurs redents en feuillure, offraient certainement des difficultés de tracés et de tailles, des pénétrations dont les tailleurs de pierre ne se rendaient pas aisément compte, un désaccord entre les membres principaux et les membres secondaires, des parties grêles et des parties lourdes, des jarrets dans les courbes comme aux points I, par exemple ; cependant déjà les architectes avaient fait régner le boudin ou nerf G tout au pourtour de l’archivolte, continuant la section de la colonnette H et venant pénétrer le nerf de grand œil à la tangente.

C’était un progrès de tracé sur les meneaux des fenêtres de Notre-Dame de Reims. Mais on n’arrive pas, si rapidement que l’on marche, aux méthodes simples, aux procédés pratiques sans des tâtonnements. Donner un dessin sur une échelle réduite des compartiments ajourés d’une

  1. Voyez l’ensemble de la composition de ces fenêtres à l’article fenêtre, fig. 20.