Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 6.djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[ogive]
— 421 —

laire avec ébrasement intérieur, qui était percée dans le mur pignon de face au-dessous du lambris de la charpente. On trouve encore la trace de cette tradition dans certaines églises romanes, surtout au midi de la Loire. La rose gothique est un développement de l’oculus de la basilique primitive (voy. rose).

OGIVE, s. f. Augive. On donne, assez improprement, le nom d’ogive à la figure formée par deux arcs de cercle se coupant suivant un angle quelconque[1]. Beaucoup de pages ont été écrites sur l’origine de ce mot, et l’esprit de parti (parti dans les questions d’art s’entend) s’en mêlant, on en est venu à si bien embrouiller la matière que toute conclusion semble avoir été ajournée à des temps plus calmes. Nous déclarons tout d’abord que nous n’avons pas la prétention de donner ici une solution, qui d’ailleurs importe assez peu ; il nous suffira de fournir à nos lecteurs les renseignements que nous avons pu recueillir sur l’adoption de cette figure dans l’architecture, à dater du XIIe siècle en France, renseignements dont on peut vérifier l’exactitude sur les monuments eux-mêmes. Quant à la conclusion, nous laisserons à chacun le loisir de la tirer.

Le compas étant inventé, les intersections de cercles étaient trouvées, par conséquent la figure appelée ogive. Ce n’est donc pas l’origine de la figure qu’il importe de rechercher, mais l’origine de son application à la construction. Des monuments de l’Asie, de la Grèce et de l’Italie, d’une très-haute antiquité, nous montrent des ogives, c’est-à-dire des berceaux ou des cavités (comme celle du trésor d’Atrée, par exemple), dont la section est donnée par deux arcs de cercle se coupant ; mais tous ces monuments, sans exception, présentent un appareil horizontal, c’est-à-dire que les lits des pierres formant ces berceaux ou ces cavités sont horizontaux et non point normaux aux courbes. C’est là cependant un point essentiel, pour des architectes, car on ne peut ainsi donner à ces surfaces concaves les noms d’arc ou de voûte. Laissons donc cette origine qui ne nous apprend qu’une chose, savoir que, lorsqu’il s’est agi de fermer un passage ou une salle, on a donné, pendant les époques primitives dont nous parlons, des formes diverses aux encorbellements, seuls moyens admis pour arriver à ce résultat. Retraites, plans inclinés, courbures, ce sont toujours des encorbellements et non des voûtes, et la forme ogivale n’est alors qu’une fantaisie du constructeur, non un sys-

  1. Croix d’augives, au commencement du XIVe siècle, s’entendaient pour les arcs diagonaux d’une voûte d’arête gothique. Or, ces croix d’augives, ou arcs ogives, sont le plus souvent des pleins-cintres. « Item II. crois d’augives pour faire les voûtes sus et une arche entre II crois augivères… ». (Titre de fondation d’une chapelle à Averdoin, du mois de juin 1347. Archives de M. le duc de Luynes… — Voy. t. II des Annales archéologiques, p. 41, l’article de M. Lassus sur l’arc ogive.) Pendant le moyen âge, et jusqu’au XVIe siècle, le mot ogive ou augive, arcs ogives, ne s’appliquait qu’aux nervures croisées. Les autres arcs, fussent-ils aigus, s’appelaient arc doubleau, tiercerons, formerets. (Voy. les articles arc, Construction.)