Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 7.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[plomberie]
— 211 —

soucieux de nous enquérir de l’expérience acquise par nos devanciers. La plomberie est d’ailleurs si intimement liée à l’art de la charpenterie, que si l’on veut couvrir en planches, il est nécessaire, avant tout, de s’enquérir de la qualité et de la provenance du bois à employer. Les gens du moyen âge, peut-être par suite des traditions de l’antiquité, apportaient un soin minutieux dans l’approvisionnement et la mise en œuvre du bois ; ils n’éprouvaient pas, par conséquent, les désappointements que nous éprouvons aujourd’hui en mettant au levage des bois verts et qui n’ont jamais été baignés dans l’eau courante. On reconnaîtra du moins que cette expérience, raisonnée ou non, est bonne et qu’il faut en tenir compte.

Les plombs employés pendant le moyen âge contiennent une assez notable quantité d’argent et d’arsenic ; les nôtres, parfaitement épurés, n’ont pas la qualité que leur donnait cet alliage naturel, et sont peut-être ainsi plus sujets à se piquer et à s’oxyder. Nous avons encore vu en place, en 1835, avant l’incendie des combles de la cathédrale de Chartres, les plombs qui en formaient la couverture datant du XIIIe siècle. Ces plombs étaient parfaitement sains, coulés en tables d’une épaisseur de 0m,004 environ, revêtus extérieurement par le temps d’une patine brune, dure, rugueuse, brillante au soleil. Ces plombs étaient posés sur volige de chêne, et les tables n’avaient pas plus de 0m,60 de largeur. Elles étaient d’une longueur de 2m,50 environ, clouées à leur tête sur la volige avec des clous de fer étamé, à très-larges têtes ; les bords latéraux de chacune de ces tables s’enroulaient avec ceux des tables voisines, de façon à former des bourrelets de plus de 0m,04 de diamètre ; leur bord inférieur était maintenu par deux agrafes de fer, afin d’empêcher le vent de le retrousser. Voici (fig. 1) un tracé de cette plomberie.

Ainsi les tables étaient fixées invariablement à la tête en A ; leurs bords, relevés perpendiculairement au plan, ainsi qu’on le voit en B, étaient enroulés l’un avec l’autre et très-solidement maintenus latéralement par les bourrelets C. Ces bourrelets enroulés n’étaient pas tellement serrés, qu’ils empêchassent la dilatation ou le retrait de chaque feuille. Le bord inférieur des tables était arrêté par les agrafes G, dont la queue était clouée sur la volige. Au droit de chaque recouvrement de feuilles, l’ourlet était doublé, bien entendu, et formait un renflement I. En D, nous donnons, au quart de l’exécution, la section d’un bourrelet. C’est suivant ce principe que le comble de l’église Notre-Dame de Châlons-sur-Marne est couvert, et cette couverture date, dans ses parties anciennes, de la fin du XIIIe siècle. Ici les feuilles de plomb étaient gravées de traits remplis d’une matière noire formant des dessins de figures et d’ornements ; on voit encore quelques traces de cette décoration. Des peintures et des dorures rehaussaient les parties plates entre ces traits noirs ; car il faut observer que presque toutes les plomberies du moyen âge étaient décorées de peintures appliquées sur le métal, au moyen d’un mordant très-énergique.