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[pan de bois]
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et pouvaient au besoin s’élever à de grandes hauteurs[1]. Les peuples du Nord, et particulièrement des Normands, excellents charpentiers, mêlèrent à ces traditions antiques de nouveaux éléments, comme par exemple l’emploi des bois de grandes longueurs et des bois courbes, si fréquemment usités dans la charpenterie navale ; ils adoptèrent certains assemblages dont les coupes ont une puissance extraordinaire, comme pour résister aux chocs et aux ébranlements auxquels sont soumis les navires, et jamais ils n’eurent recours au fer pour relier leurs ouvrages de bois.

Prodigues d’une matière qui n’était pas rare sur le sol des Gaules, les architectes romans, lorsqu’ils élevaient des pans de bois, laissaient peu de place aux remplissages, et se servaient volontiers de pièces, sinon très épaisses, au moins très larges, débitées dans des troncs énormes, et formant par leur assemblage une lourde membrure, n’ayant guère d’espaces vides entre elles que les baies nécessaires pour éclairer les intérieurs.

L’assemblage à mi-bois fortement chevillé était un de ceux qu’on employait le plus souvent à ces époques reculées. On composait ainsi de véritables panneaux rigides qui entraient en rainure dans les sablières hautes et basses. Rarement, à cette époque, plaçait-on des poteaux corniers aux angles, et les pans de bois étaient pris entre les deux jambes-étrières de murs de maçonnerie qui formaient pignons latéralement ; en un mot, le pan de bois de face d’une maison n’était qu’une devanture rehaussée de couleurs brillantes cernées de larges traits noirs. Bien entendu, ces constructions, antérieures au XIIIe siècle, ont depuis longtemps disparu, et c’est à peine si, dans quelques anciennes villes françaises, on en trouvait des débris il y a une trentaine d’années ; encore fallait-il les chercher sous des lattis récents, ou les recueillir pendant des démolitions. C’est ainsi que nous avons pu, en 1834, dessiner à Dreux, pendant qu’on la jetait bas, les fragments d’une maison de bois, qui paraissait dater du milieu du XIIe siècle. Cette maison, exhaussée au XVe siècle, ne se composait primitivement que d’un rez-de-chaussée, d’un premier étage en encorbellement et d’un galetas. L’ancien comble, disposé avec égout sur la rue, n’existait plus, et l’étage du galetas avait été surmonté d’un haut pignon de bois recouvert de bardeaux. Des fenêtres anciennes, il ne restait que les linteaux avec entailles intérieures, indiquant le passage, à mi-bois, des pieds-droits.

Voici (fig. 1) une vue de ce curieux pan de bois, compris entre deux murs formant tête avec encorbellements. Les sablières basses et hautes,

  1. Les charpentiers italiens, notamment à Rome, ont conservé les traditions antiques, et élèvent aujourd’hui, en quelques heures, des échafauds au moyen de chevrons courts et d’un faible équarrissage. Il est impossible de ne pas reconnaître entre ces échafauds et les charpentes figurées sur les bas-reliefs de la colonne Trajane une parfaite identité de moyens.