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lement des figures grecques de l’époque éginétique et des figures du XIIe siècle de la statuaire française, on serait frappé des analogies de ces deux arts, non-seulement quant à la forme, mais quant au faire. Si plus loin on mettait en regard des figures de l’époque du développement grec et du XIIIe siècle français, on verrait par quels points de contact nombreux se réunissent ces deux arts, si différents dans leurs expressions. Mais cela tendrait à émanciper l’esprit des artistes et à faire reconnaître qu’il y a un art français avant le XVIe siècle, deux choses qu’il faut empêcher à tout prix, parce que ce serait la mort du protectorat académique en matière d’art, et que le protectorat est commode pour ceux qui l’exercent comme pour ceux qui s’y soumettent et en profitent par conséquent.

Ce qu’il est important de maintenir, c’est qu’avant le XVIe siècle, toute reproduction d’art en France n’était qu’un essai grossier, barbare. Que l’Italie a eu l’heureuse destinée de nous éclairer, que certains artistes assez adroits, au XVIe siècle, en France, sous l’influence de la cour de François Ier, se sont dégrossis au contact des Italiens et ont produit des œuvres qui ne manquent pas de charme. Mais qu’au XVIIe siècle seul, c’est-à-dire à l’académie qui en est une incarnation, il était réservé de coordonner tous ces éléments et d’en faire un corps de doctrine d’où la lumière, à tout jamais, doit jaillir. Si on laisse entrevoir que la France a possédé un art avant cette inoculation italienne du XVIe siècle, si bien réglée par l’académie, tout cet échafaudage scellé, dressé avec tant de soins et à l’aide de mensonges historiques s’écroule et nous nous retrouvons en face de nous-mêmes, c’est-à-dire de nos œuvres à nous. Nous reconnaissons qu’on a pu faire des chefs-d’œuvre sans école des Beaux-Arts et sans villa Medici. Nous n’avons plus, en fait de protecteurs des arts, que notre talent, notre étude, notre génie propre et notre courage. Il n’y a plus de gouvernement possible dans l’art avec ces éléments seuls, tout est perdu pour les gouvernants comme pour une bonne partie des gouvernés et surtout pour la classe des censeurs, n’ayant jamais tenu ni l’ébauchoir, ni le compas, ni le pinceau, mais vivant de l’art comme le lierre vit du chêne en l’étouffant sous son plantureux feuillage.

Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable !


Si l’on eût dit à ces artistes, pardon, à ces imagiers du XIIIe siècle : « Bonnes gens, qui faites de la sculpture comme nulle part on n’en fait de votre temps, qui formez l’école mère où l’on vient étudier, qui envoyez des artistes partout, qui pratiquez votre art avec la foi en vos œuvres et une parfaite connaissance des moyens matériels, qui couvrez notre pays d’un

    rêt, à tous les points de vue. À la même époque nous avons offert d’envoyer, sans frais de moulages, des épreuves de ces modèles pour en former à Paris un musée de statuaire comparée. Il n’a pas été répondu à cette offre.