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des réminiscences de deux arts sortis d’un même tronc, il est vrai, mais qui s’étant développés séparément ne peuvent plus s’allier et préoccupent l’œil par la diversité des styles. On peut fondre deux arts d’origines différentes ou un art ancien dans des principes nouveaux, mais deux branches d’un même art, lorsqu’on prétend les réunir, se soudent mal et laissent dans l’esprit le sentiment d’une chose inachevée, ou tout au moins produite par des artistes isolés, fort surpris de trouver leurs œuvres mêlées.

Tout autre est l’école de Toulouse ; celle-là abandonne franchement, au XIIe siècle, l’imitation de la sculpture d’ornement gallo-romaine ; mais en s’inspirant de l’art byzantin, en lui empruntant ses hardiesses, ses combinaisons géométriques, ses compositions, elle conserve un caractère local, dû très-vraisemblablement aux émigrations qui se répandirent dans le Languedoc à la chute de l’Empire romain. Cette école s’émancipe et produit des ouvrages très-supérieurs à ceux de l’école provençale. Il faut reconnaître qu’indépendamment de son caractère propre, l’école de Toulouse n’est pas en contact direct avec l’Orient ; ce qui l’inspire, ce sont moins les monuments de Syrie ou de Constantinople que la vue d’objets provenant du Levant ; ivoires, bois sculptés, objets d’orfèvrerie, étoffes ; tout lui est bon, tout devient pour elle un motif d’ornement sculpté. Les Byzantins ne représentent, dans leur sculpture monumentale, ni des animaux, ni des figures humaines ; en revanche leurs étoffes en sont amplement remplies ; beaucoup d’ornements de l’école de Toulouse reproduisent, au milieu d’entrelacs de branches, des animaux affrontés, ou se répétant sur une frise comme ils se répètent sur un galon fait au métier. Le musée de Toulouse est rempli de ces bandeaux ressemblant fort à de la passementerie byzantine, d’une finesse d’exécution toute particulière et de ces entrelacs rectilignes ou curvilignes, de ces rinceaux perlés empruntés à des menus objets rapportés d’Orient et aussi au génie local qui, par les émigrations des Visigoths,