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presque certitude quand il s’agirait du moyen âge : et par exemple, la restauration dont je parle, placée en regard du château tel qu’il est aujourd’hui, ne rencontrerait, j’ose le croire, que bien peu d’incrédules. »

Ce programme si vivement tracé par l’illustre critique il y a trente-quatre ans, nous le voyons réalisé aujourd’hui, non sur le papier, non par des dessins fugitifs, mais en pierre, en bois et en fer pour un château non moins intéressant, celui de Pierrefonds. Bien des événements se sont écoulés depuis le rapport de l’inspecteur général des monuments historiques en 1831, bien des discussions d’art ont été soulevées, cependant les premières semences jetées par M. Vitet ont porté leurs fruits. Le premier, M. Vitet s’est préoccupé de la restauration sérieuse de nos anciens monuments ; le premier il a émis à ce sujet des idées pratiques ; le premier il a fait intervenir la critique dans ces sortes de travaux : la voie a été ouverte, d’autres critiques, d’autres savants s’y sont jetés, et des artistes après eux.

Quatorze ans plus tard, le même écrivain, toujours attaché à l’œuvre qu’il avait si bien commencée, faisait l’histoire de la cathédrale de Noyon, et c’est ainsi que dans ce remarquable travail[1] il constatait les étapes parcourues par les savants et les artistes attachés aux mêmes études. « En effet[2], pour connaître l’histoire d’un art, ce n’est pas assez de déterminer les diverses périodes qu’il a parcourues dans un lieu donné, il faut suivre sa marche dans tous les lieux où il s’est produit, indiquer les variétés de forme qu’il a successivement revêtues, et dresser le tableau comparatif de toutes ces variétés, en mettant en regard, non-seulement chaque nation, mais chaque province d’un même pays… C’est vers ce double but, c’est dans cet esprit qu’ont été dirigées presque toutes les recherches entreprises depuis vingt ans parmi nous au sujet des monuments du moyen âge. Déjà, vers le commencement du siècle, quelques savants d’Angleterre et d’Allemagne nous avaient donné l’exemple par des essais spécialement appliqués aux édifices de ces deux pays. Leurs travaux n’eurent pas plutôt pénétré en France, et particulièrement en Normandie, qu’ils y excitèrent une vive émulation. En Alsace, en Lorraine, en Languedoc, en Poitou, dans toutes nos provinces, l’amour de ces sortes d’études se propagea rapidement, et maintenant, partout on travaille, partout on cherche, on prépare, on amasse des matériaux. La mode, qui se glisse et se mêle aux choses nouvelles, pour les gâter bien souvent, n’a malheureusement pas respecté cette science naissante et en a peut-être un peu compromis les progrès. Les gens du monde sont pressés de jouir ; ils ont demandé des méthodes expéditives pour apprendre à donner sa date à chaque

  1. Voyez la Monographie de l’église Notre-Dame de Noyon par M. L. Vitet et par Daniel Ramée, 1845.
  2. Page 38.