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obtenues ne sont que la conséquence rigoureuse de la partie, à plus forte raison, nous, qui ne faisons qu’exploiter la matière première pour l’employer à nos usages, devons-nous ne l’employer que suivant sa forme et ses qualités. Jusqu’à un certain point nous pouvons violenter les matières premières, les métaux, par exemple ; nous pouvons les soumettre à des formes arbitraires. Mais la pierre, mais le bois, nous sommes bien forcés de les prendre tels que la nature nous les fournit, de les poser suivant certaines lois qui ont commandé la formation de ces substances, et par suite de concevoir une structure qui s’accorde avec leurs qualités. Le style ne s’obtient qu’à ces conditions, savoir : que la matière étant donnée, la forme d’art qu’elle revêt ne soit que la conséquence harmonieuse de ses propriétés adaptées à la destination ; que l’emploi de la matière soit proportionnel à l’objet. En effet, les proportions sont relatives et non absolues ; non point relatives comme nombre, mais relatives en raison de la matière, de l’objet et de sa destination. Dans l’art de l’architecture, on ne saurait établir cette formule : 2 est à 4 comme 200 est à 400 ; car si vous pouvez, sur des piliers de 2 mètres de hauteur, poser un linteau de 4 mètres de long, vous ne sauriez poser sur deux piles de 200 mètres de hauteur une plate-bande de 400 mètres. Changeant d’échelle, l’architecte doit changer de mode, et le style consiste précisément à choisir le mode qui convient à l’échelle, en prenant ce mot dans la plus large acception. Les Grecs n’ont pas admis ce que nous appelons l’échelle[1], ils ont admis la relation des nombres[2]. Mais ils n’ont élevé que de petits monuments.

Si les maîtres du moyen âge ont admis un module unique qui se rapporte à la dimension de l’homme, ils ont modifié l’échelle de proportion en raison des dimensions de l’édifice. Ils ont, en raison de ces dimensions, admis divers genres de contexture, des organismes différents ; par suite, des apparences diverses qui ont le style, parce que toutes ne sont que la conséquence d’une application d’un principe vrai.

Un rapprochement fera connaître les différences profondes qui séparent l’architecture du moyen âge de celle de l’antiquité grecque au moment de son développement. La colonne grecque, point d’appui vertical, destinée seulement à porter la plate-bande horizontale, appartient il l’ordre, c’est-à-dire qu’elle se trouve toujours dans des rapports proportionnels à peu près identiques avec les membres qu’elle supporte ; si la plate-bande ou plutôt l’entablement augmente de volume, il est juste que la colonne qui supporte ce membre augmente de puissance dans la même proportion ; d’autant que la plate-bande ne saurait dépasser une certaine dimension. Mais l’arc étant admis et par suite les voûtes, la colonne ne fait plus partie d’un ordre, elle n’est que la conséquence de ce nouvel organisme. L’adoption de la plate-bande ne permettant pas de dépasser

  1. Voyez Échelle.
  2. Voyez, à ce sujet, les remarquables travaux de M. Aurès.