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et replacés ; 9º que les pentes des combles sont données par les filets existant le long des tours. Si donc quelque chose est hypothétique dans cette restauration, ce ne pourrait être que des détails qui n’ont aucune importance et dont nous faisons bon marché, car ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

Les grand’salles avaient des destinations distinctes, suivant le temps où elles furent construites. Jusqu’au milieu du XIIIe siècle, il ne semble pas que le bâtiment contenant la grand’salle fût nécessairement divisé en salle haute et salle basse. Le seigneur féodal vivait alors avec son monde. Quelques-unes de ces grand’salles étaient à rez-de-chaussée. Ainsi, par exemple, dans le roman de la Vengeance de Raguidel par le trouvère Raoul, nous voyons qu’un chevalier entre à cheval dans la salle où mangent le roi et ses hommes :

« Quant del mangier furent levé,
Atant es vos tuit abrievé
Parmi la sale, .I. chevalier,
Qui tu armés sor .I. destrier
L’écu au col, la lance au puing.
.........
Le roi salue et salua
Tos les haus hommes qui là sont ;
Et li roi Artus li respont :
Amis, Dius vos saut, bien vigniés,
Descendès, lavès, si mangiès[1]. »

Dans le Roman de la Violette, Gérard monte à cheval devant la salle :

« Atant demande son cheval
Gérars, car il voloit monter ;
S’espée si court à porter
Uns dansiaus cui il l’ot baillie,
Par devant la salle entaillie (sculptée)
Monte Gérars, congié a pris,
Comme sages et bien apris[2] ».

Bien que déjà au commencement du XIVe siècle, les grand’salles soient situées au premier étage, de vastes perrons permettent d’y monter directement[3]. Elles sont en communication directe avec la cour comme à Paris, à Troyes, à Poitiers. Mais vers la fin du XIVe siècle, la grand’salle du château prend un caractère plus privé, et, tout en conservant son caractère de tribunal, de lieu d’assemblée, de salle de banquets, elle s’isole,

  1. Messire Gauvain, ou la Vengeance de Raguidel, par le trouvère Raoul, publié par C. Hippeau, vers 4 199 et suiv.
  2. Le Roman de la Violette ou de Gérard de Nevers, XIIIe siècle, publié par Fr. Michel, vers 2 252 et suiv.
  3. Voyez Perron.