Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 8.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[salle]
— 90 —

ne communique plus guère avec le dehors que par des escaliers détournés ou des galeries. Il y a enfin la salle basse et la salle haute.

Cependant en France, dès l’époque carlovingienne, on trouve la trace de la salle haute, appelée alors solarium, mais elle n’a pas le caractère de la grand’salle des châteaux. C’est la salle du seigneur, comme nous dirions aujourd’hui le salon de son appartement.

Ces salles, pendant le moyen âge, étaient richement décorées :

« Li rois fu en la sale bien painturée à liste[1]. »

Non-seulement des peintures, des boiseries, voire des tapisseries, couvraient leurs parements, mais on y suspendait des armes, des trophées recueillis dans des campagnes. Sauval[2] rapporte que le roi d’Angleterre traita magnifiquement saint Louis, au Temple, lors de la cession si funeste que fit ce dernier prince, du Périgord, du Limousin, de la Guyenne et de la Saintonge.

Ce fut dans la grand’salle du Temple que se donna le banquet. « À la mode des Orientaux, dit Sauval, les murs de la salle étoient couverts de boucliers ; entre autres s’y remarquoit celui de Richard, premier roi d’Angleterre, surnommé Cœur-de-Lion. Un seigneur anglois, l’ayant aperçu pendant que les deux rois dînoient ensemble, aussitôt dit à son maître en riant : Sire, comment avez-vous convié les François de venir en ce lieu se réjouir avec vous ; voilà le bouclier du magnanime Richard qui sera cause qu’ils ne mangeront qu’en crainte et en tremblant. »

Nous avons vu que la grand’salle du palais, à Paris, était décorée de nombreuses statues et de peintures. La grand’salle du château de Coucy était de même fort riche : outre la grande cheminée qui était sculptée, sur les parois de cette salle on voyait les statues colossales des neuf preux[3] ; des verrières coloriées garnissaient les fenêtres. À Pierrefonds, la grand’salle haute était de même décorée par des verrières de couleur. La porte qui donnait dans le vestibule était toute brillante de sculptures et surmontée d’une claire-voie. La voûte était lambrissée en berceau et percée de grandes lucarnes du côté de la cour. La cheminée qui terminait l’extrémité opposée à l’entrée supportait, sur son manteau, les statues des neuf preux. La salle basse était elle-même décorée avec un certain luxe, ainsi que le constatent la cheminée qui existe encore en partie, les corbeaux qui portent les poutres et les fragments du portique.

Mais tous les seigneurs n’étaient pas en état d’élever des bâtiments aussi somptueux. Nous voyons dans le palais archiépiscopal de Narbonne, véritable résidence féodale, une grand’salle au premier étage, construite

  1. Li romans de Berte aus grans piés, ch. XCII (XIIIe siècle).
  2. Tome II, p. 246.
  3. Les niches de ces statues existent encore.