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[tombeau]
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sépultures n’affectent aucune apparence architectonique. Ce sont des ensevelissements dans des cercueils de bois, de pierre, ou à même le sol, qui n’ont d’intérêt qu’au point de vue de l’histoire ou de l’archéologie.

Il paraîtrait que l’usage d’élever des tombeaux le long des voies publiques ne fut pas entièrement abandonné pendant la période mérovingienne. Grégoire de Tours cite plusieurs exemples de ces sortes de monuments[1]. Plus tard, sous les premiers Carlovingiens, les personnages considérables tenaient à être ensevelis sous l’égout des toits des églises, chapelles ou oratoires[2]. Cette coutume persista jusque vers le milieu du XIIe siècle. On enterrait aussi sous les porches des églises et dans les lieux voisins qui étaient bénis. Ce ne fut qu’à la fin du XIIe siècle que s’établit l’usage d’enterrer dans les églises, et d’élever des monuments ou de graver des dalles commémoratives sur les sépultures.

Les premiers chrétiens, contrairement à l’usage admis chez les Grecs et chez les Romains, ne brûlaient pas les corps, ils les ensevelissaient dans des niches pratiquées dans les parois de cryptes, ou dans des sarcophages de pierre ou de marbre. Ces sarcophages, si les personnages étaient considérables, restaient souvent apparents dans des chambres souterraines ; ils étaient décorés de sculptures symboliques ou de signes religieux, croix, monogrammes du Christ, colombes, etc. Habituellement ils étaient posés sur des dés ou colonnettes, afin de les isoler de terre. Ces sarcophages se composaient d’une auge oblongue quadrangulaire, avec couvercle en forme de toit à deux pentes ou bombé. Le corps du défunt était déposé dans cette auge[3]. Les tombeaux du moyen âge procèdent de ce principe. Mais, vers le milieu du XIIe siècle, on plaça sur le couvercle l’effigie du mort, et alors le sarcophage n’était plus ordinairement qu’un simulacre et le corps était déposé au-dessous, dans une fosse ou un petit caveau. Ce fut aussi vers cette époque que

  1. L’évêque Aravatius « s’étant rendu dans la ville de Maestricht, y fut attaqué d’une fièvre légère dont il mourut. Son corps, lavé par les fidèles, fut enterré près de la voie publique. » (Hist. franç., liv. II, chap. v.)
  2. « Un sarkeu fist apareillier (Richard)
    Lez la meisiere del mustier (contre le mur de l’église),
    A metre emprès sa mort sun core
    Suz la gutiere de defors
    ........... »

    (Le roman de Rou, vers 5 879 et suiv.)
  3. Nous avons trouvé, dans l’église abbatiale de Saint-Denis, au-dessous du pavé de la basilique de Dagobert, plusieurs sarcophages de pierre, plus larges d’un bout que de l’autre. Sur le couvercle et l’un des bouts d’un seul de ces sarcophages sont gravées grossièrement des croix pattées ; les autres sarcophages sont unis. Ils contenaient des ossements complètement réduits en poussière, des traces d’étoffes et des fils d’or qui entraient dans le tissu, quelques bouts de courroie de bronze (déposés au musée de Cluny). Plusieurs de ces corps avaient été ensevelis sans la tête, ce qui ferait supposer que les chefs étaient placés à part dans des reliquaires.