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[trumeau]
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TROMPILLON, s. m. — Voyez Trompe.

TRÔNE, s. m. — Voyez Chaire.

TROU DE BOULIN, s. m. — Voyez Échafaud.

TRUMEAU, s. m. Ce mot s’applique généralement à toute portion de mur d’étage comprise entre deux baies. De même qu’un crénelage se compose de créneaux, qui sont les vides, et de merlons, qui sont les pleins, le mur d’une habitation comprend des trumeaux et des fenêtres à chaque étage. On donne le nom de trumeaux, spécialement dans l’architecture du moyen âge, aux piliers qui divisent en deux baies les portes principales des grandes salles, des nefs d’églises, des courtils, des préaux, etc. Pour les grandes portes monumentales, les architectes du moyen âge ne pensaient pas que les vantaux de bois battant en feuillure l’un sur l’autre, présentassent une fermeture suffisamment solide. Entre ces deux vantaux ils élevaient une pile de pierre formant battement fixe, pile dans la large feuillure de laquelle venaient s’engager les verrous horizontaux, les fléaux ou barres des vantaux de bois[1]. Ce parti devint un des beaux motifs de décoration des portes principales ; il permettait aussi de porter les linteaux de pierre sous les tympans, lesquels étaient chacun, sauf de très-rares exceptions, d’une seule pièce.

Nous ne trouvons, dans l’antiquité grecque ou romaine, aucun exemple de portes divisées par un trumeau ; cette disposition appartient exclusivement, paraîtrait-il, au moyen âge, et ne date que de la fin du XIe siècle. Elle permettait d’établir facilement, par une seule issue, deux courants pour la foule, sans qu’il y eût confusion, l’un entrant, l’autre sortant. Les baldaquins de bois, transportables, recouverts d’étoffes, qu’on appelle dais, et que le clergé, en France particulièrement, fait porter au-dessus du prêtre desservant ou de l’évêque en certaines circonstances, dais qui atteignent les dimensions d’une petite chambre, ne pouvant passer par l’une des deux baies des portes principales des églises, on supprima parfois, dans le dernier siècle, les trumeaux milieux ; des objets d’art d’une grande valeur furent ainsi détruits. Ces mutilations, heureusement, exigeaient des dépenses assez considérables pour soutenir les linteaux et tympans ; aussi existe-t-il encore un bon nombre de portes garnies de leurs trumeaux. L’une des plus anciennes et des plus remarquables est la grande porte de la nef de l’église abbatiale de Vézelay. Le trumeau de cette porte est franchement accusé et présente un profil d’un très-beau caractère[2]. Les baies sont larges ; les deux linteaux et le tympan qui les

  1. On donnait aussi à ces trumeaux de portes le nom d’estanfiches.
  2. Voyez Porte, fig. 51.