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jaune d’argent ou certaines couleurs d’émail[1]. Toutefois ces délicatesses, charmantes dans des vitraux d’appartement, sont complétement perdues dans la grande décoration monumentale et n’ajoutaient rien à l’effet. La palette des verriers s’était enrichie de tons nouveaux. Ces moyens de doublage leur permettaient d’obtenir certains tons d’une puissance inconnue jusqu’alors : ils avaient des verres violets obtenus avec un doublage rouge sur un bleu pâle, des verts obtenus au moyen de plusieurs couches de verres blanc, jaune et bleu superposés[2], des mordorés obtenus avec une couche jaune sur un pourpre ; ils employaient déjà aussi les couleurs d’émail sur le blanc, de manière à obtenir des colorations douces et fondues, des bleus pâles, des roses (pourpre d’or), des lilas. La rose de la sainte Chapelle de Paris fournit maint exemple de ces applications de couleur d’émail qui tiennent bien, ce que l’on ne sait faire aujourd’hui.

Tous ces perfectionnements de fabrication ne pouvaient cependant relever un art qui abandonnait ses véritables principes. Les derniers beaux vitraux de la renaissance que l’on voit à Bourges, à Paris, à Vincennes, à Sens, à Troyes, ne sont que des cartons de peintres reportés sur verre. Ces œuvres peuvent avoir de grandes qualités comme composition, comme dessin et modelé, elles n’en ont aucune au point de vue décoratif. Leur aspect est confus, blafard ou dur ; l’œil cherche péniblement un dessin qu’il préférerait voir sur une surface opaque ; les plombs, au lieu de faciliter la compréhension, la gênent, parce que le dessin a été conçu sans en tenir compte. La perspective, la succession des plans, manquent absolument leur effet et ne produisent que la fatigue.

Nous convenons volontiers que le maniéré du XVe siècle et même du XIVe était une déviation funeste de l’art chez les verriers, mais alors cependant les grands principes décoratifs de cet art n’étaient pas oubliés. Nous préférons encore ces défauts ou ces faiblesses à la pédanterie des artistes du XVIe siècle, qui prétendaient transporter sur le verre des compositions plus ou moins inspirées des peintures des écoles italiennes de ce temps, et qui, pour montrer leur savoir comme dessinateurs, négligeaient absolument d’observer les conditions qui conviennent seules à la peinture translucide.

Nous ne devons pas omettre de parler d’une école de peinture sur verre qui, tout en n’appartenant pas à la France, n’a pas été cependant sans exercer une influence sur les écoles des provinces voisines de l’Est. De même que l’architecture rhénane du XIIe siècle a poussé des rameaux

  1. Voyez la belle verrière de l’arbre de Jessé de l’église de Saint-Étienne de Beauvais, qui présente un emploi prodigieusement habile de ces procédés d’enlevure à la molette.
  2. Nous avons entre les mains un de ces verres verts, provenant d’une de ces verrières du XVIe siècle de la cathédrale de Carcassonne (Saint-Nazaire), qui est composé d’une assiette blanche verdâtre, d’une couche jaune, d’une couche blanche, d’une couche bleue, d’une fine lamelle blanche et d’une couche jaune. Nous inclinons à croire que ces verres sont de fabrication vénitienne.