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paux, posés dans un plan vertical, l’extrados de la fausse lierne A arrive horizontalement contre le corps cylindrique, tandis que l’extrados de l’arc ogive B le pénétrerait en b du côté de sa naissance, et en c du côté de son sommet ; il y aurait donc une différence de niveau entre le point b et le point c. Et de b en c, comment poser les moellons de remplissage ? Les constructeurs ont donc augmenté la hauteur des joues de ces arcs principaux en arrivant près de ces clefs, ainsi que l’indique le supplément g, pour araser le point e, et cela en raison du niveau de ces points d’arrivée des liernes, fausses liernes ou faux tiercerons. Il y aurait, par exemple, un décrochement en h à l’arrivée de l’arc ogive B, puisque l’extrados du faux tierceron l n’arriverait pas au niveau de l’extrados de la fausse lierne A. On voit quelles complications de coupes produisaient ces fantaisies des architectes de la renaissance, beaucoup plus préoccupés d’obtenir un effet décoratif que des conditions d’une sage construction. Si nous ajoutons à ces difficultés gratuitement accumulées le manque des connaissances du tracé géométrique, qui déjà se faisait sentir dans les chantiers, nous ne serons pas surpris du peu de durée de ces voûtes du XVIe siècle. Cependant on reconnaît que l’habitude de raisonner sur l’application des formes convenables à l’objet n’est point encore perdue chez les maîtres. Ainsi la forme allongée de ces clefs pendantes, dont l’axe est habituellement vertical, est bien motivée par ces pénétrations d’arcs à des niveaux différents. Ces longues pierres qui semblent à l’œil des fiches plantées aux rencontres d’arcs, ne sont pas là par un caprice d’artiste, mais une nécessité de structure, et les queues tombantes plus ou moins ornées de sculptures que ces artistes leur donnent en contre-bas des arcs ne font qu’accuser la fonction de ces clefs de rencontre d’arcs.

Au point de vue de la structure, l’art du XVIe siècle était, pour les voûtes comme pour le reste, à l’état d’infériorité sur les arts antérieurs. Les arcs-boutants, par exemple, à cette époque, ne sont plus disposés conformément aux lois de la statique et de l’équilibre des forces (voy. Arc-boutant) ; les archivoltes ne sont plus régulièrement extradossées, les lits d’assises ne correspondent plus aux membres de l’architecture ; les claires-voies, les meneaux, adoptent des formes contraires à la nature et à la résistance des matériaux mis en œuvre. Il est évident que les architectes, préoccupés avant tout d’appliquer certaines formes appartenant à un autre mode de structure que celui adopté en France en raison des matériaux et de leur emploi judicieux, abandonnent à des mains subalternes le tracé de cet appareil, qui n’est plus d’accord avec ces formes empruntées ailleurs. Les maîtres du XVe siècle étaient meilleurs constructeurs, meilleurs praticiens et traceurs que ceux du XVIe ; ceux du XIVe siècle l’emportaient sur les maîtres du XVe, et peut-être ceux du XIIIe l’emportaient-ils encore sur ceux du XIVe. Cependant les appareilleurs du XIIe siècle étaient des génies, si nous les comparons à ceux du XVIIe siècle, car il n’est pas de structure plus grossière et plus