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[ ARMURE ]
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proprement français, de très-notables différences. Les armures anglaises se rapprochent davantage des nôtres, mais avec une certaine exagération dans les formes. Les Anglais outraient la mode des armures comme ils outraient la mode du vêtement civil dès la fin du xiiie siècle.

Voici (fig. 28) un des hommes d’armes que l’on voit représenté plusieurs fois dans un manuscrit français des premières années du xive siècle[1]. Cet homme d’armes est vêtu du gambison piqué verticalement, qui ne descend qu’au-dessus du genou. Par-dessus est posé le haubert de mailles, qui couvre les bras, et possède un camail, une gorgerette à laquelle est rivée la cervelière conique d’acier. Sur le haubert est posée une broigne, ou vêtement de peau avec clous rivés, puis une cotte ou surcotte, qui paraît être également de peau ; roulée sur le ventre pour ne pas gêner les mouvements et de manière à former une sorte de veste sans manches avec pans postérieurs. Les bras sont couverts (arrière-bras et avant-bras) de canons faits de bandes de cuir bouilli réunies par des coutures. Les coudes sont protégés par des cubitières d’acier attachées au moyen de courroies ; le ceinturon passe sous la surcotte et est bouclé au milieu du ventre. Les jambes sont armées de chausses de mailles avec genouillères, grèves et plaques d’acier sur le cou-de-pied. Une dague est pendue le long de la cuisse droite. L’artiste a rendu minutieusement les détails de cette armure, ce que ne font jamais ceux qui se livrent à des compositions de fantaisie.

En regard de cette armure singulière, nous donnons celle du comte de Valois, Charles, troisième fils de Philippe le Hardi, qui, suivant Guillaume de Nangis, mourut le dixième jour de l’année 1325 (fig. 29). La statue de ce prince est déposée aujourd’hui à Saint-Denis et provient des Jacobins de Paris. Sous le haubert de mailles qui porte le camail et les gants, on voit le gambison piqué, puis la cotte d’armes d’étoffe souple, descendant, comme le gambison, au-dessous des genoux. Les jambes sont enfermées dans des grèves complètes d’acier, et les solerets sont de mailles. Une fine courroie maintient la cotte à la hauteur de la taille ; quant au ceinturon de l’épée, il est large et descend bas. L’écu est suspendu sur l’épaule par la guige. Sous le camail du haubert apparaît la chemisette à petits plis. La cotte est fendue en quatre parties pour ne pas gêner à cheval. Le gambison ni le haubert ne sont échancrés. Très-amples, ils se développaient en couvrant les genoux du cava-

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  1. Biblioth. nation., Lancelot du Lac, français, t. ii.