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[ ARMURE ]
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lier. On voit que cette armure conserve le caractère de celles de la fin du xiiie siècle, et ne présente aucune de ces étrangetés fréquentes au commencement du xive siècle, dans l’adoubement de l'homme d’armes.

Le caractère flottant de la cotte d’armes se perd bientôt cependant parmi la chevalerie française vers 1340. Cette cotte est rembourrée, épaisse ; des pièces d’acier articulées couvrent les épaules et les bras. Le gambison piqué disparait, et c’est la résistance de la cotte elle-même qui protège le haubert de mailles. C’est ainsi qu’est armée la statue du comte d’Alençon, frère du roi Philippe vi et fils de Charles de Valois. Il fut tué à Crécy en engageant si malheureusement la bataille, sans attendre que l’ordre du combat fût réglé, et lorsque les troupes françaises étaient harassées par une longue marche. Cette armure date donc de 1445 environ. Elle se compose (fig. 30[1]) d’un haubert de mailles qui ne descend qu’au-dessus des genoux et est dépourvu de camail. Le bacinet remplace cette armure de cou et de tête. Sur le haubert est une surcotte de peau fortement rembourrée et juste au corps, lacée par derrière. Les épaules et arrière-bras sont couverts de lames d’acier articulées, et les canons des avant-bras sont complets ; les cubitières ont deux grandes rondelles externes qui protègent la saignée. Pas de courroie pour maintenir la surcotte ajustée, mais une large ceinture tombant pour suspendre l’épée. Les jambes sont garnies de grèves complètes et les genouillères sont très-ajustées au membre. Les solerets sont d’acier et articulés. Le haubert n’est pas fendu. Seule la cotte porte une fente peu prononcée par derrière. Étant courts, ces vêtements n’avaient pas besoin d’être échancrés pour monter à cheval, d’autant qu’en chargeant, les hommes d’armes se tenaient debout sur leurs étriers.

Relativement à ce que nous disions tout à l’heure sur les caractères des armures appartenant aux diverses contrées de l’Europe occidentale, et pour montrer combien il est nécessaire de ne pas prendre sans examen les renseignements lorsqu’on veut reproduire exactement l’adoubement de l’homme d’armes, notamment de cette époque, nous donnerons ici l’armure d’Ulrick, landgrave d’Alsace, dont le tombeau est placé dans le chœur de l’église Saint-Guillaume à Strasbourg[2]. C’est une admirable statue, un des chefs d’œuvre de l’art du xive siècle, dû à maître Woelfelein de Ruffach,

  1. Église de Saint-Denis.
  2. Nous ignorons si cette admirable statue a résisté au bombardement des Prussiens.